J’aimerais partir Vers des cités Où le soleil ne fane jamais Des cités qui ne détiennent Que le clair de la lune Et où le vi...
J’aimerais partir
Vers des cités
Où le soleil ne fane jamais
Des cités qui ne détiennent
Que le clair de la lune
Et où le vin nocturne s’est enivré
***
Vers des plages
Où le sable fidèle
Prie pour un reflux
Qui s’est échu,
Vers un lieu sans meurtrissures
Ni bulles creuses,
Vers un flux blanc et généreux
Qui au cours d’un débordement
S’est oublié lui-même.
***
J’aimerais étreindre un souhait
Embu de ton parfum,
Jeter l’ancre sur un baiser
Aussi violent
Que la tempête des saisons,
Tourner avec lui ,
Danser telle une vie passionnée,
Me balancer comme une fillette
Défiant les limites du ciel.
***
J’aimerais filer la soie de l’envie
Dans les bras de ma patrie.
Je voudrais tisser passionnément
La transparence d’un corps,
Faire accoster mes vagues
Sur la chaleur d’un pouls,
Mes vagues fondant en soupirs
Dans l’éveil de mes gémissements.
***
Ah si la patience dans l’exil
Possède une entité semant la rosée
Tel un silence printanier !
Mais tu es mon temple
Et j’y suis une ascète .
Que mon encens
Ne brûle jamais à vive voix
Dans mes corridors
Pour un souvenir
Autre que le tien !
Par : Rachel Chidiac
Fidèle à son thème de prédilection, à savoir l’amour spirituel fusionnel, l’auteure de ce poème que l’on peut, de ce fait, classer parmi les poètes dits « à expérience » c.à.d. ceux qui sont habités par des préoccupations profondes et constantes mais qui ne se répètent, par contre, pas au niveau du style, conçoit, comme on le voit, son nouveau texte sous la forme d’un poème amoureux dans lequel le discours émane d’une locutrice éprise follement d’un bien-aimé (j’aimerais étreindre un souhait embu de ton parfum,/jeter l’ancre sur un baiser/ aussi violent que la tempête des saisons, / tourner avec lui ,/ danser telle une vie passionnée,/ me balancer comme une fillette défiant les limites du ciel ).
Mais un seul vocable placé intentionnellement dans le 26 ème vers (j’aimerais filer la soie de l’envie dans les bras de ma patrie ) fait découvrir au lecteur que c’est plutôt de l’amour de la patrie ( Watan – mawten : masculin en arabe) qu’il s’agit et qu’il a, dès le début, affaire à un poème patriotique.
Ce subterfuge artistique constitue ainsi le premier coup d’éclat majeur dans ce texte qui se renforce, ensuite, par la métaphore du temple et de l’ascète sur laquelle se clôture le poème ( tu es mon temple et j’y suis une ascète . que mon encens ne brûle jamais à vive voix dans mes corridors pour un souvenir autre que le tien !).
Néanmoins, la construction de ce texte n’est pas aussi simpliste que l’on penserait ,car la poétesse l’a conçu, sur un autre plan, dès le début aussi, sous la forme d’un acte de langage promissif selon le terme de John Searle (Les promissifs : promettre, faire vœu de, garantir, parier, jurer de…). Et cela ne manque pas de nous faire poser de sérieuses questions sur les raisons des souhaits de la poétesse de quitter le pays qu’elle adore vers d’autres horizons (j’aimerais partir vers des cités… vers des plages… vers un lieu sans meurtrissures ni bulles creuses…) ?
Le reste du poème montre que le départ souhaité s’accomplit dans le rêve et non dans un espace réel, donc vers une situation plus favorable où la patrie serait plus stable, plus sereine et portée vers un avenir prometteur. Une hymne ayant la forme d’une chanson lyrique , écrite avec passion, finesse et une grande sensibilité.
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