La chute vertigineuse : Un poème de : Monika Del Rio. la tête vers l’avant les pieds ne touchent plus le sol je m’envole ! ...
La chute vertigineuse :
Un poème de : Monika Del Rio.
la tête vers
la tête vers
l’avant
les pieds
ne touchent plus
le sol
je m’envole !
Plongée
dans l’écume,
je me noie
dans l’enveloppe
brumeuse.
En bas
les rochers
m’attendent, là
où les crocodiles
sèchent leurs
dents
au soleil
levant.
Le Nil reste
imperturbable.
Dorénavant
je suis pareil à
un oiseau,
mais
Le Félin
ouvre l’œil,
il n’est jamais
trop loin.
Je batifole
en me retournant
mille fois
en vol,
je chante
à tue-tête.
Il est là,
il m’attend
patiemment,
avec son
dos luisant
au soleil,
couleur
du fleuve
sacré –
invisible et
secret…
La transformation
reste pourtant
inachevée.
Mon cœur
s’agite comme
un papillon entre
les mains
qui l’emprisonnent.
Il palpite
en essayant de
se sauver.
Désormais
je m’approche
vers les
nuages,
mais le ciel
est encore
orageux.
Il grogne
comme un
lion en
cage –
Tu sais,
la bête à la
crinière
noire,
ses yeux
envoient
des éclairs.
Le cœur
tambourinant,
je marche
pourtant
droit
pour tomber
entre ses
dents.
Mon destin
enfin
sera réglé.
Tous droits réservés © Monika Del Rio,
Addis Abeba, Octobre 2014
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- À découvrir aussi : Poèmes et poésie sur la nature
Pour ceux qui ne connaissent pas
bien ou du tout la poétesse, nouvelliste, romancière, peintre et pianiste polonaise Monika Del Rio,
son répertoire littéraire comporte, jusqu’à présent, pas moins de six livres
dont deux- des recueils de nouvelles - ont été traduits par nos soins, et son
prochain ouvrage sera probablement consacré à la poésie, vu qu’elle n’écrit,
depuis son installation à Adissa Abeba ( Ethiopie ) il y a quatre ans , que
dans ce genre et qu’elle en est aujourd’hui à son centième poème ou même plus.
Quant à ses écrits, ils gravitent
presque tous autour du thème du rêve réveillé cauchemardesque comme c’est le
cas dans ce poème où elle relate une expérience insolite mais terrifiante
qu’elle a vécue, celle d’une chute dont la direction est incertaine, car si des
indices explicites montrent qu’elle s’accomplit vers le bas ( en bas les
rochers m’attendent, là où les crocodiles sèchent leurs dents ), d’autres, font
entendre, par contre, qu’elle se déroule vers le haut c.à.d. qu’elle est une
ascension et non une chute ou si nous le voulons une chute vers le haut ( je
m’approche vers les nuages, mais le ciel est encore orageux ).
Ce qui exprime une véritable
désorientation doublée d’une sensation vive d’égarement et de dérèglement
auxquelles s’ajoute une rupture avec la réalité que dénote la position
verticale de la locutrice se mouvant entre ciel et terre. Cet état de fait
s’expliquerait par une difficulté de conciliation entre une aspiration à
l’élévation spirituelle et un désir de rester en contact avec le réel vécu de
tous les jours et les causes de cet échec peuvent bien être plus profondes,
étant donné que la terreur qu’elle éprouve au moment de la descente
rappellerait les naissances difficiles qui restent gravées dans l’inconscient
du bébé jusqu’à l’âge adulte. Et puisqu’elle sent que sa descente aussi bien
que son ascension aboutissent inévitablement à une catastrophe (la gueule d’un
crocodile ou celle d’un lion), cela révélerait chez elle une phobie de
naissance dont elle n’a pu se débarrasser.
Sur le plan du style, ce poème a été
façonné sous la forme d’une colonne élancée sans doute pour suggérer cette
notion de chute contenue dans le titre. En plus de cela, le suspense engendré
par l’acheminement forcé vers la mort a conféré au poème un attrait certain.
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