Poème du jour : Il manque une virgule Par : Med Derkaoui Loin dans les ténèbres d’où jaillit la lumière La quintessence des voix ...
Poème du jour : Il manque une virgule
Par : Med Derkaoui
Loin dans les ténèbres d’où jaillit la lumière
La quintessence des voix primaires
Voies qui mènent au premier cri
Évanouissant les mères
Faisant chanter les sages de la vie
Loin
Es-tu déjà arrivé
As-tu touché les bordures
Les veines qui irriguent la nuit
Est-ce une page vierge devant sa plume
Ou ses couleurs en font déjà un tableau confus
Trop de biffures
Il manque une virgule
Pour former l’incise
Les voyelles qui faisaient scandale
Et rythmaient les désirs futurs
Sont-elles parties avec Zérieb
Ou cherchent-elles leur voie
Dans le Slam
Transcrire la voix du vacarme
Ou la solitude de l’âme
Avant que se déclenchent
Les cauchemars
Que dalle
M. Derkaoui dans : Il manque une virgule |
Analyse & Commentaire :
Dans ce nouveau texte, le poète se pose la question éternelle à laquelle personne n’y a trouvé de réponse, à part les « écrivants » - Et comme ils sont nombreux !- pour qui écrire n’est qu’un simple acte de langage, visant là dire quelque chose, exactement comme cela se passe dans la langue commune de tous les jours.
Pour l’écrivain, le vrai, l’acte d’écrire est, par contre, une réponse irrésistible à un besoin vital émanant du fin fond de l’être et dont les mobiles sont de deux sortes : les uns sont minimes - et ceux-là sont conscients et superficiels , étant liés aux activités et préoccupations quotidiennes – et les autres sont prépondérants et profonds, car ils sont dotés de deux principales dimensions : l’une est existentielle et consiste, pour l’écrivain ou le poète, à accéder au statut de créateur, dans le but de se libérer de l’angoisse qui le ronge constamment dans un monde qui existe en dehors de sa volonté et où il se sent « de trop » selon le terme de Sartre. Et c’est ce qui expliquerait cette envie insistante chez l’auteur de ce poème de revivre , par le biais des mots, le premier acte de création accompli par Dieu au commencement de l’univers (loin dans les ténèbres d’où jaillit la lumière la quintessence des voix primaires voies qui mènent au premier cri évanouissant les mères faisant chanter les sages de la vie).
Quant à la seconde dimension, elle est psychique. Et le propre de celle-ci est qu’elle est insaisissable, du fait que les mobiles de l’écriture dépassent la volonté de l’écrivain lui-même. En effet, s’il est certain que l’écrivain ou le poète n’est pas un prophète qui reçoit la révélation du Créateur de l’univers, il n’en demeure pas moins que ce qu’il écrit lui parvient de sources inconnues, étant donné que la plupart des idées et des images qui prennent d’assaut son esprit au moment de l’écriture le surprennent réellement, parce qu’il n’y avait jamais pensé auparavant. Et c’est ainsi que devant le caractère obscur de cette dimension psychique de l’écriture, le poète ne peut que se poser des questions brûlantes sans attendre des réponses ( es-tu déjà arrivé as-tu touché les bordures les veines qui irriguent la nuit ? - les voyelles qui faisaient scandale et rythmaient les désirs futurs sont-elles parties avec Zérieb ou cherchent-elles leur voie dans le Slam ? ).
En tout cas et quelle que soit la nature réelle de l’écriture poétique, elle sert parfois à anticiper les malheurs et les crises grâce à la sensation de détente et de bien-être qui s’ensuit. Un poème qui s’inscrit dans le questionnement de l’énigme de l’écriture et qui, de surcroît, se distingue par la transparence de sa langue et la finesse de son style.
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