Poème du jour : C’est le temps de l’orage Monika Del Rio C’est le temps de l’orage Le monde s’est tu… Le vent engage sa partie ...
Poème du jour : C’est le temps de l’orage
Monika Del Rio |
C’est le temps de l’orage
Le monde s’est tu…
Le vent engage sa partie
« con fuoco »
Suivi par les arpèges de la pluie.
Des gouttes épaisses,
Engorgées de peine tombent
Sur la braise de mon cœur
Et le font chavirer,
Tel un bateau solitaire
Qui au milieu des eaux profondes
A pris soudainement feu…
Assourdie par les trombes
Et les cloches célestes, mondaines,
Aveuglée par les éclairs,
Étouffée par les cordes de la pluie
Je m’accroche
Au croissant de la lune
Et je m’assoupis
Sur la maigre poitrine
Du seul ami
Qui me reste ce soir.
Le sommeil gagne sa partie…
Je me laisse abandonner
Dans les bras noirs
D’une rivière tachetée
Comme une hyène.
Charon exige une pièce -
J’en ai une,
La seule qui me reste…
Je tends ma main,
Mais…. il s’envole
Avec ce cri horrible de hadada,
Il jongle avec ses longues jambes
Et fait gonfler sa gorge
Pleine de proies –
Le marabout de ténèbres…
L’orage s’arrêta.
Je suis revenue sur la terre ferme
Portée par les ailes du rêve,
Déposée dans un coin de la vie,
Sauvée des hurlements
De chacals affamés
Et tu es là,
Tu m’attends
Le coulé de l’amour
Dans les cratères de tes yeux….
De mon cœur
Il ne reste que des cendres
Laissons donc ce rêve
Durer encore un petit peu…
© Monika Del Rio, Addis Abeba |
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Analyse & commentaire poétique:
Je connais Monika Del Rio depuis près de quinze ans. Et ce que je savais d’elle est qu’elle était une excellente pianiste, une bonne nouvelliste et une peintre de grand talent. Mais elle n’a jamais soufflé mot en ma présence sur la poésie. Puis soudain dès son installation à Addis-Abeba en Ethiopie il ‘y a six ans, ses dons poétiques explosent curieusement et elle en est aujourd’hui à son soixante-dixième poème. Ce qui remplirait facilement deux bons recueils. Cette transformation s’expliquerait apparemment par l’ambiance climatique, humaine et culturelle qu’elle a trouvée dans ce pays et qui est très différente de son monde d’origine : l’Europe. Mais avancer une telle interprétation, c’est ne pas connaitre Monika Del Rio qui a toujours soutenu que notre vie est un rêve et que l’âme qui l’habite appartient à une époque très éloignée. Ainsi en arrivant en Afrique, le berceau de l’humanité, il lui a semblé qu’elle est revenue à ses vraies origines. Et du coup, elle s’est mise à se chercher dans la nature environnante. D’où cette quête pénible du Moi à travers la déflagration d’une intempérie qui lui a suscité un mélange de phobie, de douleur et de tristesse (des gouttes épaisses, engorgées de peine/ tombent sur la braise de mon cœur/- assourdie par les trombones et les cloches célestes, mondaines, aveuglée par les éclairs, étouffée par les cordes de la pluie je m’accroche … Charon - cri horrible) puis cette reprise rapide de l’équilibre dès l’arrêt de l’orage.
Cet état changeant est-il vraiment lié à l’Afrique ? Il nous semble que c’est dans la première enfance ou même dans la période prénatale de la poétesse qu’il faut en chercher les causes. Quant au retour de l’équilibre, on le voit lié à une présence humaine chaleureuse ( l’orage s’arrêta. /je suis revenue sur la terre ferme/ portée par les ailes du rêve,/ déposée dans un coin de la vie,/ sauvée des hurlements de chacals affamés/ et tu es là, tu m’attends/ le coulé de l’amour dans les cratères de tes yeux….),qui serait probablement celle de la mère ou du père mais qui a pris ici dans l’imaginaire inconscient de la locutrice les traits d’un bien-aimé.
Un poème psychologique dans lequel s’entremêlent le réel et l’imaginaire, l’extérieur et l’intérieur , le passé lointain et le présent, les affects positifs et négatif, laissant entrevoir une âme tourmentée en quête de son identité profonde qu’elle ne trouvera peut-être jamais !
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