Enfance Comment oublier l'errance Les coups de baguette Les folles cachettes Les boutons d'or Dans les près verts L...
Enfance
Comment oublier l'errance
Les coups de baguette
Les folles cachettes
Les boutons d'or
Dans les près verts
Les vers de Jacques Prévert
Appris avec effort
Enfance
Comment prononcer ton nom
Sans dénaturer la diversité
La richesse de l'universalité
Être
Un Être
A naître
Sur le bout des lèvres
Des lèvres muettes
Des mères inquiètes
Enfance
Comment valoriser les jeux étranges
Oublier les jambes en bâton des anges
Les habiller de guenilles
Leur donner des rêves de dentelle
Accompagner les cocons de chenilles
Pour devenir belles demoiselles
Enfance
Je dois m'en tenir à moi
A l'image dans le miroir
Mon mouroir
Sans émoi
Sans arrogance
Sans réédition
J'avance
En perdition
C'est mon seul pouvoir
Me mouvoir
Entre précipices
Et hospices
Entre mes cent ans
Et le temps des genoux en sang
En quête de paroles
D'un regard
Gaillard
Un symbole
Une reconnaissance
L'amour sans absence
Comment retrouver le trac
Le moment du bac
Des émotions en vrac
Comme devant le tableau noir
Immense tel le continent noir
Tableau d'erreurs
Tableau d'horreurs
Frissons de mille couleurs
Sur les peaux métissées du bonheur
Je refuse de grandir
Je refuse de m'anéantir
Je refuse de partir
J'entends l'accordéon
Disperser ses flonflons
Sur un rythme essoufflé
Je perçois son silence
Le vent de la nième danse
Se noyer dans les voiles de satin
De la robe de noce
De l'ultime matin
Et de la faucheuse précoce
L'horloge s'est arrêtée à minuit
J'entends le son assourdissant
Agonisant
Des battements lents
De la nuit
Tomber
Retomber
Goutte par goutte
Dans le sablier
L'ombre de mon âme
Se fond dans un épithalame
Elle est la voix de son oraison
Toujours qualifiée de funèbre
La chanson
Des ténèbres
J'ai accroché ma vieille peau au soleil
Elle brûle sous ses rayons vermeils
J'erre sans trajectoire
Vers le purgatoire
Le désert de mon histoire
Le territoire de mes idées
Blessées
Pansées
Un projet pour vieillard
Voguer dans le brouillard
Sous le faisceau d'un phare
Enfance
Elle prend des distances
Je m'enfonce dans le crépuscule d'une étoile
Une étoile qui s'éteint
Elle expose sa vaste toile
Sans teint
La célèbre scène
La plus obscène
La décrépitude
D'une âme sans aptitude
"Mourir de se racrapoter"
Comme le confesse Jacques Brel
Dans ses murmures intemporels
Je glisse sur des murs de glace
Je perds ma place
Je vis le vertige
Du spasme qui afflige
Loin de la désinvolture
Je me réduis telle une abréviature
Dans quel repli de lumière
Trouverai-je la foi
Pour faire face à cette loi
Loi obscure
Loi absurde de la nature
Comment être un trait d'union
Entre le ciel et l'eau
Imiter les oiseaux
Être en retrait
Sur le silence de la terre
Et l'histoire des convictions
Être un pion
Du souvenir éphémère
Du récit épistolaire
Enfin
Résigné
J'ai pleuré
J'ai vidé l'encre de mes veines
Sur le cahier de ma déveine
J'ai écrit le mot
Le mot de trop
Trois lettres abjectes
Infectes
Puantes de vomissures
Creusant les blessures
De la vie et de la mort
Fin
© Gaëtan Parisi
Analyse & Commentaire :
Ce poème, bien différent des poèmes précédents de son auteur, des deux points de vue thématique et stylistique, laisse beaucoup à réfléchir, car si le retour à l’enfance, que ce soit en rêve nocturne ou en rêve éveillé, est une manière de retrouver l’être originel que l’on était et qui est, comme le dit Freud, le père de l’adulte et de s’y ressourcer et y puiser des énergies nouvelles, l’idée de la mort nous renvoie, au contraire, dans la direction opposée, vers un futur terrifiant où nous cesserons d’exister, donc nous sommes là devant deux tendances, somme toute, paraissant incompatibles. Et l’une des clés possibles, voire probables, de cette contradiction est que l’image de la fin dont le poète est hanté serait non morbide et réelle mais une mort abstraite et symbolique d’un attachement particulier. Et dans ce cas, cette sensation n’aurait rien de négatif.
Bien au contraire, elle serait le début d’un nouveau départ qui sera renforcé par les ressources puisées dans l’enfance surtout le rêve, le merveilleux, l’imagination et l’innocence. Cette interprétation trouverait sa justification dans l’état d’ébranlement affectif que lui a causé la rupture amoureuse unilatérale de la part de sa bien-aimée et à laquelle il a consacré la plupart de ses poèmes précédents. Pouvons-nous dire d’ores et déjà qu’il est sur le point de guérir de ce choc ? Seuls ses prochains poèmes nous le diront.
Stylistiquement : Ce poème est le premier de cet auteur à être aussi long. Est-ce aussi le début d’un autre style d’écriture ? Signalons au passage que la taille du poème dépend exclusivement de l’humeur du poète qui tend soit vers l’expansion, soit vers la condensation sinon vers la taille moyenne. Mais étant donné que c’est, apparemment, la première expérience avec ce genre de poésie, l’auteur a, visiblement, bien pris son temps, car le niveau de poétisation du texte n’a pas baissé du début jusqu’à sa fin. Bien plus, le poète nous a gratifiés de plusieurs images surprenantes telles que (tableau d'erreurs tableau d'horreurs frissons de mille couleurs sur les peaux métissées du bonheur-j'entends le son assourdissant agonisant des battements lents de la nuit tomber retomber goutte par goutte dans le sablier - enfance elle prend des distances je m'enfonce dans le crépuscule d'une étoile une étoile qui s'éteint elle expose sa vaste toile sans teint ).
Le rythme, de son côté, n’a pas perdu, malgré la longueur, de son intensité grâce à l’accourcissement des vers et à la régularité des rimes et des sonorités.
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