Résumés et analyses des principales oeuvres de l'écrivain romantique français Albert Camus.
Albert Camus, né le 7 novembre 1913 à Mondovi (Dréan) près de Bône en Algérie, et mort le 4 janvier 1960 à Villeblevin, dans l'Yonne en France, est un écrivain, philosophe, romancier, dramaturge, journaliste, essayiste et nouvelliste français. En savoir plus sur Wikipedia.
Quelques œuvres d'Albert Camus :
Albert Camus |
1 Actuelles, Albert Camus 1950-1953 :
L'écrivain français Albert Camus (1913-1960) a réuni sous ce titre trois
recueils d'articles, conférences et polémiques représentant le bilan de ses
prises de position face aux problèmes de l' actualité de son temps.
Publié en
1950, le premier volume, "Actuelles I. Chroniques 1944-1948", se compose pour
une bonne part des éditoriaux donnés par Camus au journal Combat, du temps où
il en était le rédacteur en chef. Camus s'y efforce de définir "les conditions
d'une pensée politique modeste, c'est-à-dire délivrée de tout messianisme, et
débarassée de la nostalgie du paradis terrestre". Dans un siècle qu'il
considère comme le siècle de la peur, il voudrait promouvoir une nouvelle
morale et un nouveau contrat social basé sur le respect de la pensée d'autrui,
la défense de la jeunesse, de l' intelligence et du bonheur. Avec le refus
constant de la rhétorique, il dénonce le racisme, les fallacieuses
légitimations du meurtre politique et les divers totalitarismes, demandant que
"la vie soit libre pour chacun et juste pour tous".
Le recueil "Actuelles II. Chroniques 1948-1953", publié en 1953, débute par
l'affirmation que notre monde sortira du nihilisme et connaîtra une
renaissance "quand le travail de l' ouvrier comme celui de l' artiste aura
conquis une chance de fécondité". La première partie, "Justice et haine",
découvre une première volonté de promouvoir une morale basée sur la justice et
la liberté. "La justice, dit Camus, meurt dès l'instant où elle devient
confort, où elle cesse d'être une brûlure, et un effort sur soi-même". La
deuxième partie, intitulée "Lettres sur la révolte", réunit les diverses
réponses de Camus (notamment à Breton et à Sartre aux polémiques suscitées par
la parution de son essai "L'homme révolté"; quant à la dernière partie,
"Création et liberté", elle dénonce à nouveau le racisme et la tyrannie,
attaquant particulièrement le régime sanglant de Franco et s'élevant contre
son admission à l' UNESCO. Au terme de ce recueil, Camus rappelle la place de
l' art au niveau de la réalité la plus humble et trouve pour le justifier
cette belle formule: "toute création authentique est un don à l' avenir".
Le dernier recueil, "Actuelles III. Chronique algérienne 1939-1958", publié en
1958, rassemble l'essentiel des textes publiés par Camus sur le problème
algérien, depuis l'époque où il débutait à "Alger républicain". "Ces textes,
écrit-il en préface, résument la position d'un homme qui, placé très jeune
devant la misère algérienne, a multiplié vainement les avertissements et qui,
conscient depuis longtemps des responsabilités de son pays, ne peut approuver
une politique de conservation ou d'opression en Algérie". A partir d'une étude
honnête des causes économiques du drame algérien, Camus s'efforce d'esquisser
une solution à ce drame mais la "trêve civile" qu'il prône pour sortir du
terrorisme aussi bien que son refus de l'indépendance algérienne, en vertu du
fait qu'il n'y aurait pas trace dans l'histoire d'une nation algérienne,
prouvent un curieux manque de réalisme que les événements se sont chargés de
dénoncer. Devant l'acuité du drame, on a l'impression pénible que la bonne
volonté et l' humanisme de Camus sont bien essouflés, bien impuissants, et
qu'il est incapable de quitter le domaine du sentiment pour s'élever à la
pensée politique lucide et constructrice.
En dépit de l'échec que constitue ce dernier recueil d'Actuelles, Camus
demeurera, grâce aux deux autres, l'homme qui ne cessa d'affirmer la valeur de
la révolte, de la générosité et de la jeunesse, de la tolérance, de la liberté
et de la justice; l'homme qui n'accepta jamais que la fin justifie les moyens
et ne craignit pas d'affirmer: "il y a l' histoire et il y a autre chose, le
simple bonheur, la passion des êtres, la beauté naturelle."
2 Caligula, Albert Camus 1944 :
Drame en cinq actes publié en 1944 par l'écrivain français Albert Camus
(1913-1960, prix Nobel 1957).
Caligula était un jeune homme à peu près comme
les autres quand Drusilla, sa soeur-amante, est morte. Cette mort est pour lui
la révélation de l' absurdité de la condition humaine: "les hommes meurent et
ne sont pas heureux". Caligula s'enfuit. Au lever du rideau on attend le
retour du jeune empereur. Celui qui revient est un homme nouveau qui va tenter
d'organiser l'absurde pour le tuer par son excès même. Pour cela il partira de
ce terrible syllogisme: "On meurt parce qu'on est coupable. On est coupable
parce qu'on est sujet de Caligula. Or tout le monde est sujet de Caligula.
Donc tout le monde est coupable. C'est une question de temps et de patience."
Il ne lui reste plus qu'à être inexorablement logique, car "c'est parce qu'on
ne tient jamais jusqu'au bout que rien n'est obtenu. Mais il suffit peut-être
de rester logique jusqu'à la fin." Caligula n'abandonnera jamais. Il veut
remodeler le monde et n'a pas d'autre moyen que de tuer pour que les hommes
sortent de leur ignoble soumission. On ne comprend pas le destin et c'est
pourquoi je me suis fait destin. J'ai pris le visage bête et incompréhensible
des dieux." En vérité, ce que désire Caligula, c'est devenir aussi cruel que
le destin afin qu'à travers sa cruauté les hommes prennent conscience de l'
"autre cruauté" et se révoltent contre elle en se révoltant contre lui. Il
s'écrie, en effet, au plus fort de ses crimes: "il est enfin venu un empereur
pour vous enseigner la liberté". Au cours de l'admirable acte IV, Caligula
transforme les patriciens en pantins dont il tire les ficelles. Il les force à
tout livrer, tout trahir pour sauver leur vie, tout ce qui, justement,
semblait la raison d'être de leur vie. La tragédie touche ici à la farce et en
tire une intensité boulversante. Les masques tombent, chacun devient sa propre
caricature. Mais l'heure approche enfin où les hommes vont se venger. Caligula
ne fait rien pour écarter sa mort, car sa mort est le sommet de son action, la
preuve que les hommes peuvent prendre conscience et refuser l'absurde qui les
écrase. Pourtant quand il se regarde dans un miroir avant de mourir, il
n'aperçoit pas un visage de dieu. Il n'est pas devenu dieu, mais qu'importe
puisque les hommes, grâce à lui, sont enfin devenu des hommes. -Cette oeuvre
de jeunesse- la meilleure pièce de Camus- est empreinte d'une passion, d'une
vivacité, qui donnent à l'action et au style un intense mouvement dramatique,
et qu'incarna parfaitement à la scène Gérard Philippe, son premier interprète.
3 Carnets, Albert Camus 1962 :
En marge de son oeuvre, l'écrivain français Albert Camus (1913-1960) a tenu,
de 1935 à sa mort, une sorte de journal de ses pensées, de ses lectures, de
ses impressions. Six cahiers de ce journal (mai 1935-mars 1951) ont été
jusqu'à présent publiés en deux volumes, respectivement parus en 1962 et en
1964 sous le titre général de Carnets.
Rien sur la vie intime de l'homme,
sinon transposé en notes pour des dialogues, des situations romanesques, mais
on peut suivre la vie intime de la création, les sources où elle puise, les
projets autour desquels elle se cristallise. Les lectures de Camus sont
nombreuses et variées dans le temps: Cervantès, d'Aubigné, Spinoza, E. Brontë,
Kierkegaard, Nietzsche, Montaigne, Montesquieu, Milton, Retz, Homère,
Flaubert, Balzac, Joyce, Tolstoï, Proust, Parin, Kafka, Blanchot, etc. ; les
projets gravitent autour des cycles de ses oeuvres: ""L'envers et l'endroit",
"Noces", "L'étranger", "Caligula", puis "La peste", "Les justes", "L'homme
révolté". Chemin faisant, des esquisses de paysages, saisis en images vives,
tels que la sensation les inscrit pour l'essentiel dans la mémoire; des
réflexions sur l' amour ("Un amour fidèle - s'il ne s'appauvrit pas- est une
manière pour l'homme de maintenir le plus possible le meilleur de lui-même"),
sur la chasteté et le plaisir, sur la philosophie, sur la politique ("Je m'en
occupe à mon corps défendant et parce que, par mes défauts plus que par mes
qualités, je n'ai jamais rien su refuser des obligations que je rencontrais").
Des bribes de conversations, de scènes de rue, et puis le souci constant de
l'humain ("Je ne refuse pas d'aller vers l'Etre, mais je ne veux pas d'un
chemin qui s'écarte des êtres") de la morale au niveau d'un monde périssable
("si le monde me paraissait avoir un sens, je n'écrirais pas"), de la noblesse
de l' art et de la beauté ("Je ne peux pas vivre hors de la beauté. C'est ce
qui me rend faible devant certains êtres"). Partout la trace constante d'un
effort douloureux vers la création, et la nostalgie poignante de la
compréhension ("comprendre, c'est créer"), de la communication, de l'unité
intérieure. Quant au succès, il dicte seulement à Camus cette constatation:
"Tout accomplissement est une servitude. Il oblige à un accomplissement plus
haut."
Ce qui frappe dans ces "Carnets", c'est la sécheresse du ton, la
non-complaisance pour soi jusque dans ces notes seulement destinées à
soi-même, la rigueur, la volonté de ne retenir que l'essentiel. Camus se
regarde et regarde le monde avec une lucidité qui, si elle n'interdit pas la
passion, exclut le jugement sans appel, et l'oblige toujours à s'en tenir à la
signification profonde, à ce qui en toute chose est susceptible d'enseigner et
d'augmenter la qualité de l'homme. La voix qui nous parvient ainsi, à travers
ces pages sans apprêt, a une résonance infiniment sympathique; elle a
également la vigueur, la puissance de conviction, la pureté et la jeunesse de
ce qui n'emploie le langage que pour essayer de donner forme à une vérité -sa
vérité-bonheur quotidiennement conquise sur la mort.
4 Discours de Suède, Albert Camus 1957 :
Discours prononcé le 10 décembre 1957, à Stockholm, par l'écrivain
français Albert Camus (1913-1960), lors de la réception officielle
organisée pour la remise de son prix Nobel de littérature.
Ce
discours fut publié en 1958, accompagné du texte d'une conférences
prononcée le 14 décembre 1957 à l'Université d'Upsal. Camus expose
dans ces deux discours sa conception du rôle de l'écrivain dans le
monde actuel. Pour lui, l'écrivain doit être au service non pas de
ceux qui font l'histoire, mais de ceux qui la subissent; non pas au
service des partis, mais seulement de l'homme, de la douleur ou de
la liberté des hommes. Après avoir défini la littérature classique
comme une littérature de consentement et la littérature moderne,
depuis le XIXe siècle, comme une littérature de révolte, Camus
condamne également l' art pour l'art et le réalisme, qu'il
considère d'ailleurs comme impossible. Ne pouvant ni se détourner
de son époque ni s'y perdre, l'écrivain d'aujourd'hui doit assumer
cette ambiguïté, car "l'oeuvre la plus haute sera toujours...
celle qui équilibrera le réel et le refus que l'homme oppose à ce
réel, chacun faisant rebondir l'autre dans un incessant
jaillissement qui est celui-là même de la vie joyeuse et
déchirée".
5 La chute, Albert Camus 1956 :
Récit publié en 1956 par l'écrivain français Albert Camus (1913-1960).
Amsterdam : un port cosmopolite, un bar cosmopolite; Amsterdam et nulle part,
un entre-monde.
Un homme se raconte, lui seul parle, et son interlocuteur
demeure sans voix et sans visage. Cet homme donne un nom, Jean-Baptiste
Clamence, mais, mais ce nom, qui n'est même pas le sien, n'a pas d'importance.
Qui est-il alors? C'est justement pour répondre à ce : "qui suis-je?
-éternelle question sur les lèvres de tout homme possédé par la soif de se
connaître -qu'il parle, qu'il décrit sa vie. Il fut un avocat parisien
spécialiste des nobles causes, un avocat célèbre, fêté, aimé des femmes,
content de soi. Un jour, un long éclat de rire, qui ne lui était peut-être
même pas destiné, a commencé à semer le doute dans sa vie bien ordonnée; puis
il y eut le cri d'une femme se jetant dans la Seine, une nuit, cri auquel il
n'a pas répondu, auquel il était incapable de répondre et que lui a révélé sa
duplicité, son existence contaminée par le crime de tous, sa culpabilité. Un
temps, il s'est jeté dans la débauche, mais perdre sa réputation et ses forces
n'atténuait pas sa faute; alors, homme en procès avec lui-même, mais ne
pouvant supporter ce jugement perpétuel, il a disparu, changé de ville, de
nom, et le voici devenu "juge-pénitent" dans les bas-fonds d'Amsterdam,
c'est-à-dire juge et pénitent de l' ignominie humaine dont il a adopté le
visage afin de tendre à tous ce visage.
Le Meursault de "L'Etranger" affrontait l' absurde en toute innocence;
Clamence l'affronte en toute conscience. Il est l'homme qui avait cru aux
valeurs et qui, ayant découvert leur hypocrisie, a constaté leur faillite.
"Chaque homme, dit-il, témoigne du crime de tous les autres, voilà ma foi, et
mon espérance." Qu'est-ce à dire? Que la véritable voie de l'homme va de la
conscience de sa culpabilité vers une innocence qu'il sait ne devoir jamais
lui appartenir, mais pour la conquête de laquelle il doit combattre sans trêve
et sans repos, éternellement. Après avoir semblé nous proposer une règle de
bonne conscience avec "L'homme révolté", Camus se livre ici à sa propre
démystification, pour nous léguer cette leçon qu'il n'existe pas de morale
confortable, mais qu'il faut choisir la perpétuelle brûlure, le perpétuel
appel de l'insaisissable pour mériter le nom d'homme.
6 La peste, Albert Camus 1947 :
Roman publié en 1947 par l'écrivain français Albert Camus (1913-1960).
Oran,
194~, des milliers de rats viennent mourir dans les rues et les immeubles, la
peste s'installe, les portes de la ville sont fermées. Tout de suite, c'est l'exil et la séparation, un paroxysme de solitude. La maladie, elle, n'a pas de
ces paroxysmes. Elle progressent lentement. Elle n'appelle pas à un combat
exaltant mais à une "lutte morne". La peste use les cœurs jusqu'à l'
indifférence. Le goût de Dieu réapparaît, celui des fétiches, des prophéties
et même du châtiment, mais ceux qui refusent de se résigner s'organisent. Le
Dr Rieux et Tarrou sont parmi les principaux meneurs de cette résistance. Ils
risquent la mort sans étalage de grands sentiments, simplement parce qu'ils ne
s'habituent pas à voir mourir, pas plus qu'ils ne s'étaient habitués à vivre.
La "sympathie", seule, les pousse à agir. Ils savent d'expérience que "ce qui
est naturel, c'est le microbe. Le reste, la santé, l' intégrité, la pureté,
c'est un effet de la volonté et d'une volonté qui ne doit jamais s'arrêter."
Débarrassée des grands mots, la lutte prend l'allure d'une morale quotidienne.
D'autres viennent la partager. Une obstination endurcie s'oppose à l'habitude
du désespoir. La chronique trace du fléau un récit volontairement terne et
sans aucune concession à la couleur, à l' imagination ou au sentiment. La
peste est cette maladie perpétuelle qu'on pourrait baptiser l' absurde, et
contre laquelle, il n'est que des victoires provisoires. A la fin, quand la
ville retrouvera la joie et retournera à l' inconscience, ceux qui ont
combattu sans relâche retourneront à la grisaille ordinaire et leur grandeur
ne sera que d'avoir créé leurs propres valeurs et d'avoir choisi le parti de
"ceux qui se suffisent de l' homme et de son pauvre et terrible amour".
7 Le mythe de Sisyphe, Albert Camus 1942 :
Essai philosophique d'Albert Camus (1913-1960), publié à Paris chez Gallimard
en 1942.
En mai 1936 apparaissent dans les Carnets de Camus les premières mentions de
l'"absurde". A partir de 1938, il va élaborer sa réflexion à travers trois
genres différents: le roman (l'Étranger), le théâtre (Caligula) et l'essai (le
Mythe de Sisyphe). Après un séjour en métropole (1940), il note à Oran, le 21
février 1941: "Terminé Sisyphe. Les trois Absurdes sont achevés. Commencements
de la liberté." Le Mythe de Sisyphe paraît en octobre 1942. Il sera augmenté
en 1948 d'une étude sur Kafka, écrite dès 1938 et publiée en 1943 dans la
revue l'Arbalète. Autant que l'Étranger, paru en 1942 également, le Mythe de
Sisyphe a contribué à assurer à Camus une rapide célébrité.
"Un raisonnement absurde". Le suicide est le seul "problème philosophique
vraiment sérieux"; constitue-t-il une solution à l'absurde? Le sentiment de
l'absurde se présente à l'homme n'importe quand, dans n'importe quelle
circonstance; il naît de la confrontation de l'"irrationnel" et du "désir
éperdu de clarté" qui résonne au plus profond de chacun de nous; il définit ma
liberté, ma révolte et ma passion.
"L'Homme absurde". Trois exemples d'attitudes, qui ne sont pas forcément des
"exemples à suivre": le donjuanisme (multiplication de ce qu'on ne peut
unifier), la comédie (manière de voir clair en soi en dominant les personnages
qu'on joue dans la vie), la conquête (le conquérant ne se fait pas d'illusions
sur son action, mais fait "comme si").
"La Création absurde". On a parfois opposé art et philosophie: or penser,
c'est d'abord vouloir créer un monde, comme l'illustre l'oeuvre de
Dostoïevski, à l'inverse du "roman à thèse", qui émane d'une pensée satisfaite
et entend prouver ses vérités.
"Le Mythe de Sisyphe". Sisyphe, figure mythologique qui roule éternellement
son rocher vers le sommet d'une montagne, est le "héros absurde". Il est aussi
un héros tragique, car il est conscient de sa destinée, et ce sentiment que
son destin lui appartient lui apporte la joie: "Il faut imaginer Sisyphe
heureux."
Appendice: "L'espoir et l'absurde dans l'oeuvre de Franz Kafka". Cette oeuvre
pose "le problème de l'absurde dans son entier". On l'a souvent jugée
désespérante, alors qu'en allant au bout du tragique de la condition humaine,
elle découvre en l'homme cette grandeur où il puise son bonheur.
Cet essai est l'oeuvre d'un penseur plutôt que d'un philosophe: l'absurde,
pour Camus, est moins un concept qu'un sentiment. Aussi bien les illustrations
littéraires (Dostoïevski, Kafka, mais aussi Melville ou Malraux)
côtoient-elles les références philosophiques (Jaspers, Heidegger,
Kierkegaard). Mais c'est à la manière de Descartes, comme le verra Sartre, que
Camus progresse méthodiquement à partir d'une certitude initiale, qui est
l'absence de réponse à l'inquiétude métaphysique de l'homme. L'intérêt de
l'essai réside d'abord dans le cheminement d'une pensée qui se cherche. Si
Camus refuse le pari de Pascal, qui trouve dans le silence des espaces infinis
une raison de miser sur Dieu, il propose un autre pari en voulant imaginer
Sisyphe heureux. Certaines pages de Noces, où le sentiment du tragique naît
d'un bonheur trop intense pour n'être pas vécu comme précaire, donnent une
explication plus existentielle que rationnelle au paradoxe du Mythe: la pensée
de Camus est celle d'un Méditerranéen, imprégné de philosophie hellénique et
nourrie par un climat où le monde resplendit avec une telle beauté que nous en
éprouvons déjà la nostalgie dans le même temps qu'il nous éblouit. On devine à
quel point l'Étranger, tragédie solaire, éclaire le Mythe; mais la dernière
page du roman, révélant un Meursault soudain ouvert aux significations du
monde, semble proposer plutôt un dépassement du sentiment de l'absurde. On se
tromperait, du reste, à chercher dans les oeuvres de Camus une unité théorique
que lui-même n'a jamais revendiquée. On se trompa plus gravement encore en
accueillant le Mythe de Sisyphe comme un traité d'existentialisme: l'essence
de l'homme, fût-il privé d'une croyance en l'absolu, est pour Camus liée à son
existence, puisque c'est précisément en prenant conscience de cette essence
que nous accédons au tragique.
8 Les justes, Albert Camus 1950 :
Pièce en cinq actes de l'écrivain français Albert Camus (1913-1960),
représentée pour la première fois au Théâtre Hébertot le 15 décembre 1949, et
publiée en 1959.
Russie, début du XXème siècle; l' organisation Socialiste
Révolutionnaire a décidé de tuer le grand-duc Serge; trois terroristes sont au
premier plan: Yvan Kaliayev ("Je suis entré dans la révolution parce que
j'aime la vie"), Stepan Fedorov ("Je n'aime pas la vie, mais la justice qui
est au-dessus de la vie") et Dora Doulebov ("Nous sommes les justes... Nous
voilà condamnés à être plus grands que nous-mêmes"). Kaliayev, chargé de
lancer la bombe, renonce au dernier instant parce que le grand-duc est
accompagné de ses neveux. L'attentat est remis, malgré les protestations de
Stepan. Deux jours plus tard, Kaliayev tue le grand-duc. Emprisonné, il reçoit
la visite de la grande-duchesse, qui veut le sauver. Il refuse: "Si je ne
mourais pas, c'est alors que je serais un meurtrier". Le chef de la police
fait publier la nouvelle de la visite de la grande-duchesse pour faire croire
que Kaliayev s'est repenti. Ses amis attendent: l'annonce de la mort de
Kaliayev leur apprend que celui-ci n'a pas hésité, pas trahi. Dora demande à
lancer la prochaine bombe pour rejoindre Kaliayev, son ami, dans la justice,
l'innocence et la mort.-Peut-on tuer et être juste? Peut-on aimer la vie et
choisir de mourir? Pour être juste, il faut aimer la vie et tuer sans haine
-non pas tuer pour une idée abstraite, mais pour qu'il ne soit plus nécessaire
de tuer. La pièce fait ce procès, et avec l'élan et la générosité habituels à
Camus, mais elle avance trop mécaniquement, à coups de formules qui la
dessèchent et l'abaissent souvent à la simple démonstration.
9 L'envers et l'endroit, Albert Camus 1937 :
Première oeuvre de l'écrivain français Albert Camus (1913-1960); il la publia
en 1937, à Alger, et la rangea par la suite au nombre de ses "essais
littéraires".
Cet ouvrage réunit cinq essais: "L' ironie", "Entre oui et non",
"La mort dans l'âme", "Amour de vivre" et "L'envers et l'endroit", tous
rédigés en 1935 et 1936. Le destin d'une vieille femme paralysée et solitaire,
d'un vieillard qui rabâche ses maigres aventures de jeunesse, d'une mère murée
dans son silence et sa pauvreté, la peur dans une ville étrangère, la lumière
sur les oliviers d'Italie et sur les sables de la Méditerranée, autant de
points de départ pour une méditation qui ne cesse de s'interroger sur le
destin de l'homme, le soleil, la mort, l'isolement, non pour en désespérer
mais pour en tirer les règles d'un humanisme viril et libéré des dieux; les
fondements d'une vérité lentement apparue entre l'homme et les choses, entre
la révolte contre l'éphémère de la vie et l'éternité de la terre, et leur
acceptation. Deux citations pourraient résumer les préoccupations de Camus
tout au long de ces essais: "Il n'y a plus d'amour de vivre dans désespoir de
vivre" et "Ce n'est plus d'être heureux que je souhaite maintenant, mais
seulement d'être conscient... Le grand courage, c'est encore de tenir les yeux
ouverts sur la lumière comme sur la mort."
Longtemps Camus se refusa à autoriser une réédition de "L'envers et
l'endroit"; lorsqu'il s'y décida, en 1958, il écrivit pour ce livre une
importante préface. Il y déclare: "Pour moi, je sais que ma source est dans
"L'envers et l'endroit", dans ce monde de pauvreté et de lumière où j'ai
longtemps vécu et dont le souvenir me préserve encore des deux dangers
contraires qui menacent tout artiste, le ressentiment et la satisfaction." Un
peu plus loin: "La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil
et dans l'histoire; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout." Cette
phrase peut passer pour la clé d'une oeuvre qui, tout en s'engageant dans la
politique et l'histoire pour tenter, parfois maladroitement, de fonder une
morale à la mesure des problèmes de son temps, prit garde de ne pas oublier le
simple bonheur de vivre.
10 L'homme révolté, Albert Camus 1951 :
Essai publié en 1951 par l'écrivain français Albert Camus (1913-1960).
Parvenu
à la gloire et conscient du rôle qu'il peut jouer dans la cité, l'auteur
voudrait introduire une valeur dans un monde jusque-là voué à un enchaînement
automatique d'expériences absurdes. Il faut "entrer dans le mouvement
irrésistible par lequel l' absurde se dépasse lui-même". Ce mouvement, c'est
la révolte, mais encore faut-il qu'elle se donne des raisons qui la justifient
et ne s'enferme pas dans un nouvel absurde tel que le meurtre. L'homme révolté
est celui qui n'accepte plus d'être "humilié", dit non au mal qui le ronge ou
à la vie bien qu'elle ne puisse échapper à ce même mal. La "tension
perpétuelle" entre ce oui et ce non transcende la révolte qui sinon
dégénérerait dans l'abandon meurtrier du "tout est permis" et ne reconnaîtrait
la souffrance que pour y ajouter. Reste à confronter ces conclusions avec l'
expérience. La révolte métaphysique passe en revue toutes les oeuvres
révoltées, d’Épicure aux surréalistes, et distingue entre "la négation
absolue (Sade), "l' affirmation absolue" (Nietzsche), et "l' exaltation de
minuit" (surréalistes); chez tous, il y a une "intempérence d'absolu" qui ne
peut déboucher que sur le meurtre. La révolte historique, "celle des actes,
débute quand la révolte, "nostalgie d' innocence", accepte d'être coupable et
s'arme pour la révolution. Le meurtre devient une morale provisoire mais les
"meurtriers délicats" (terroristes russes) périssent en héros et c'est le
"terrorisme d' Etat et la terreur rationnelle" (Hitler) qui s'installe, parce
que "plus rien n'a de sens, l' histoire n'est que le hasard de la force", ou
bien "la terreur rationnelle" (Russie), parce que la dictature provisoire du
prolétariat en la personne de ses chefs se prolonge. La révolution tue alors
la révolte, car "elle s'oblige à tenir responsable tout homme, et jusqu'au
plus servile, de ce que la révolte a existé et existe encore sous le soleil".
Tout ce passe comme si Prométhée, après avoir vaincu Zeus, se transformait en
Caligula pour sauver les hommes d'eux-mêmes. N'y a-t-il pas d'issue? L'auteur
en invente une sous le titre de "la Pensée de midi". Puisque cette révolte est
coincée entre le consentement à la violence ou à l' esclavage, "l' action
révoltée authentique ne consistera à s'armer que pour des institutions qui
limitent la violence, non pour celles qui la codifient". La seule attitude
humainement valable aujourd'hui est d'opposer "l'efficacité" de la révolte
créatrice à "l' efficience" de l' absolutisme historique. Comment? En
reconnaissant une "valeur médiatrice" qui peut se définir à partir de cette
constatation: "il faut une part de réalisme à toute morale: la vertu toute
pure est meurtrière: il faut une part de morale à tout réalisme: le cynisme
est meurtrier".
Oeuvre sympathique mais extrêmement discutable, cet essai a l'intérêt de nous
montrer une pensée honnêtement en quête d'un nouvel humanisme, et son échec
même est significatif.
La noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce qu'on sait
RépondreSupprimeret la résistance à l'oppression.
Albert Camus
Qui peut et n'empêche, pèche…
Un sage à l'allure impériale
RépondreSupprimerSymbole de résistance
Ami du grand Mun-Ha prêtre et gardien du temple
Aux confins d'Indochine ce chat un regard jaune
Choisit sa vie durant celui qui dieux contemple
En vivant pour Tsun-Kyank-Se déesse aux yeux saphir
Un soir les maudits Thaïs dans l'enceinte sacrée
Prirent la vie de Mun-ha le saint homme des lieux
La mort en lui entra sans cesser de prier
Pour rejoindre sa foi quelque part en les cieux.
D'un bond dessus sa tête maître chat se jucha
Figé par la déesse fascinante statue
D'or que furent ses yeux céans les transforma
De ce bleu noble et doux que saphir substitue.
Des brunes quelles étaient, ses pattes devinrent blanches
Des cheveux sur lesquels il s'était agrippé
Les pillards affolés s'enfuirent sans vaillance
Et c'est ainsi Ma Mie que temple fut sauvé.
La noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce qu'on sait et la résistance à l'oppression.
_Albert Camus : Qui peut et n'empêche, pèche…
L'article est parfaitement rédigé
RépondreSupprimerAlbert Camus est véritable étranger comme le titre de l'un de ses romans . Les gens jouissent du bonheur bel et bien . La vie a de la valeur et n'est pas faite que de malheurs , qui s'opèrent dans la froideur des mauvais instincts des personnes ou groupes de personnes déviantes . L'apologie de la tristesse , du détachement vis à vis de l'ambiance du quotidien heureux de la vie sociale , est une hérésie de la part de Albert Camus . Quelqu'un avait pu dire parlant de Socrate :"Quel bel esprit dans un si lait corps !" ; Pour Camus en sa thèse nous pouvons dire :"Quel mauvais esprit dans un si beau corps !" Salut à tous !
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