Résumés et analyses des principales oeuvres de l'écrivain, mémorialiste François-René de Chateaubriand.
François-René de Chateaubriand, né à Saint-Malo le 4 septembre 1768 et mort à Paris le 4 juillet 1848, est un écrivain et homme politique français.
Chateaubriand : Biographie et la liste de ses œuvres
Chateaubriand |
A découvrir : Biographie de Chateaubriand (1768 - 1848).
Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert 1801 :
Récit en prose de François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848), publié
à Paris chez Migneret en 1801; réédition dans le tome III du Génie du
christianisme en 1802. L'édition définitive, précédée d'une «Préface d'Atala»,
publiée à Paris chez Le Normant en 1805, réunit en un même volume Atala et
René. Le premier manuscrit date probablement de 1791, faisant partie du vaste
ensemble dont sortiront, outre Atala, les Natchez, René, et le Voyage en
Amérique.
Sur les bords du Meschacebé, une nuit de pleine lune, Chactas, un vieillard de
la tribu des Natchez, entreprend de raconter à René, un Français émigré en
Louisiane en 1725, et pour lequel il s'est pris d'affection, les aventures de
sa jeunesse. Capturé, à l'âge de vingt ans, par une tribu ennemie, condamné au
bûcher, il a été délivré par une jeune Indienne éprise de lui, Atala. Alors
qu'ils s'abritent dans la forêt contre un violent orage, celle-ci lui révèle
qu'elle est en réalité la fille d'un Espagnol nommé Lopez et qu'elle a été
élevée dans la religion chrétienne. Hébergés par un missionnaire, le père
Aubry, dans la communauté que celui-ci a fondée, les deux jeunes gens
paraissent promis au mariage. Pourtant, au retour d'une visite de la mission,
Chactas et le prêtre retrouvent Atala mourante. Vouée dès sa naissance par sa
mère à la virginité, la jeune fille a préféré le suicide au parjure. Ignorant
qu'elle pouvait, au nom d'une passion légitime, être relevée de ses voeux,
elle s'est empoisonnée et meurt dans la souffrance sous les yeux du père Aubry
et de son amant, auquel elle a fait promettre de devenir chrétien. Éperdu de
douleur, Chactas refuse pour Atala les pompes d'un enterrement solennel. Avec
l'aide du prêtre, il roulera son corps dans une pièce de lin et le couchera à
l'entrée d'une grotte de la mission, sur un lit d'herbes et de fleurs,
répondant par un silence recueilli aux oraisons de son protecteur. Ce dernier
périra plus tard lors du massacre de sa communauté par les Indiens et Chactas
recueillera ses ossements avec ceux d'Atala.
Oeuvre à résonances autobiographiques (Chateaubriand a connu lui-même cette
nature américaine et se présente, dans l'Épilogue, comme un «voyageur aux
terres lointaines»), oeuvre qui répond surtout à la demande d'exotisme que son
auteur avait retirée de l'Histoire générale des voyages de l'abbé Prévost, de
Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, et du roman anonyme Odérahi
(1795), Atala est un texte à plusieurs destinées, dont aucune d'ailleurs ne
lui fut fatale. Une année à peine après le retour de l'auteur de son exil
anglais, Atala, son début littéraire, eut un succès foudroyant. Mais c'est
aussi le texte qui, dans le Génie du christianisme, devait illustrer les
«Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les
passions du coeur humain» (III, V), quoique ces «harmonies», et ces «passions»
s'accordent mal, précisément, dans Atala. Dès 1801, Chateaubriand devait subir
la critique de l'abbé Morellet, homme des Lumières, qui s'attaquait à
l'invraisemblance et au style. L'auteur sut y répondre _ en corrigeant ce
style et en défendant la vraisemblance du récit.
C'est que la société que nous présente l'auteur n'est aucunement sauvée par la
religion ni par ses propres «bonnes» forces. Elle est détruite par des guerres
intestines, civiles. Le bon prêtre, lui aussi, succombe. Et le passionné
Chactas, face à la vierge mourante, s'insurge contre la religion du père
Aubry. Le malheur de Chactas deviendra le mal de René, et le premier «mal du
siècle», ressenti par ceux qui souffrent des désaccords et des déchirures de
cette époque. Chateaubriand lui-même n'échappe pas à ces soucis et s'engage
dans le débat en faisant croire aux lecteurs que le mal tient à l'ignorance
des deux amants: ce n'est pas Dieu, finalement, «qui contrarie la nature» des
passions, mais l'homme qui doit, encore et toujours, apprendre à connaître les
voies du Seigneur. «C'est votre éducation sauvage et le manque d'instruction
nécessaire qui vous ont perdue», déclare sévèrement le père Aubry. L'excès de
passion tue Atala, comme elle «tuera», dans René, Amélie, qui entre en
religion.
Il faudra donc faciliter «le triomphe du christianisme sur la vie sauvage». Ce
sera le projet de Chateaubriand avec le Génie du christianisme. En attendant,
il est légitime de voir, dans Chactas, l'image de l'auteur lui-même, et de
relever telle réplique faite par Chactas qui aurait pu être dite par
Chateaubriand: «Au lieu de cette paix [avec Atala] que j'osais alors me
promettre, dans quel trouble n'ai-je point coulé mes jours! Jouet continuel de
la fortune, brisé sur tous les rivages, longtemps exilé de mon pays, et n'y
trouvant, à mon retour, qu'une cabane en ruine et des amis dans la tombe.» Tel
sera exactement le destin de Chateaubriand revenant en France en 1800. Vous ne
perdez rien, dit le père Aubry consolant Atala, «en abordant sur les rivages
de l'Europe, votre oreille eût été frappée de ce long cri de douleur, qui
s'élève de cette vieille terre [...] tout souffre, tout gémit ici-bas [...].»
Bien que transportée en Amérique et reculée jusqu'en 1725, il semble bien que
l'action d'Atala cadre avec la situation de la France sous la Révolution.
Atala, cette «sorte de poème» _ c'est Chateaubriand qui le dit, mais lui aussi
a du mal à classer le texte _, est donc, en même temps qu'un roman exotique et
un texte apologétique, un témoignage autobiographique et politique. Oeuvre de
vérité, elle rehausse la force des passions, l'exil, la nécessité de la
religion. Elle tient, en outre, son influence explosive d'un mélange de tons:
classique par ses références à Antigone (Atala), moderne par son atmosphère
ossianique, elle exerce une fascination jusqu'alors inconnue par le détour
poétique de l'Amérique qui permet à Chateaubriand de consacrer de longs
développements, dans son Prologue en particulier, à la nature exotique...
qu'il n'a guère vue lui-même, mais dont il a lu la description chez d'autres
auteurs. Cette nature lui a permis de réfléchir dans son texte d'autres textes
littéraires, parmi lesquels le Werther de Goethe occupe une grande place. Il
n'est plus question de la nature de Rousseau ou des Philosophes, mais d'une
nature symbolique, mirage de l'homme en quête d'identification, et perdu dans
la solitude postrévolutionnaire. Il a été possible à Chateaubriand, lui-même
recherchant la vie heureuse des sauvages, et exilé au moment où il écrit
Atala, de vivre une nature qu'il s'imaginait édénique, sorte de paradis
terrestre peuplé de sauvages non corrompus. Cependant, pour bien juger de la
valeur de cette image, il faut l'insérer dans l'ensemble constitué des Natchez
et de René, où se combattent les civilisations et meurent ceux qui étaient
reliés par des liens familiaux ou amoureux. Atala est, selon l'interprétation
de J.-Cl. Berchet, le premier texte publié de la grande épopée de la Chute
chez Chateaubriand.
Essai sur les révolutions 1797 - Chateaubriand :
Ouvrage de François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848), dont le titre
complet est: Essai historique, politique et moral sur les révolutions
anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution
française, publié à Londres chez Deboffe en 1797.
Ce premier ouvrage de Chateaubriand est, essentiellement, un livre d'Histoire,
mais la Notice et l'Introduction proprement dite de l'édition originale, la
Préface et les notes de l'édition de 1826, de même que certains chapitres et
passages du texte, font de celui-ci un amalgame d'Histoire, d'autobiographie
et de récit de voyage. Influencé par le Rousseau de Du contrat social et de
l'Émile, par le Montesquieu de De l'esprit des lois, s'inspirant d'autres
ouvrages de l'époque sur l'histoire des civilisations et sur la Révolution
(Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, de l'abbé Barthélemy, Histoire
philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens
dans les deux Indes, de l'abbé Raynal, Considérations sur la nature de la
Révolution en France, 1790, de Mallet du Pan), Chateaubriand, dans son exil
anglais, commence l'oeuvre en 1793 pour la terminer en 1796. Elle est
accueillie assez favorablement en Angleterre et en France; en revanche, en
1810-1812, elle fera l'enjeu d'une discorde autour des «Prix décennaux» et de
l'entrée de l'auteur à l'Académie française: selon certains, elle est trop
sceptique à l'égard de l'évolution politique, selon d'autres, trop critique à
l'égard des Lumières. En 1826, Chateaubriand prendra lui-même ses distances
par rapport à son texte tout en profitant de l'occasion pour préciser ses
positions politiques et religieuses.
Dans une «Vue de [son] ouvrage», l'auteur annonce un vaste plan, incluant un
examen des causes historiques et politiques des révolutions, ainsi que des
moeurs et sciences des peuples ayant vécu une révolution. Il veut considérer
l'établissement et la fin des républiques en Grèce et à Rome, puis en Europe
et en Amérique. L'Essai historique ne réalisera que la première moitié de ce
projet, celle qui se rapporte à la Grèce et à l'Europe.
La première partie renferme l'histoire de la Grèce depuis la révolution
républicaine jusqu'à la subversion de la république athénienne par les Trente
Tyrans (vers l'an 404 avant JC.). On lit l'histoire des grands chefs
politiques tels Pisistrate et Lycurgue, celle des poètes et philosophes tels
Anacréon et Solon, ainsi que l'histoire de Carthage et de la Sicile, tout cela
comparé à l'histoire moderne de la France (république d'Athènes / Révolution
française), à celle de l'Angleterre (Carthage / Constitution anglaise), à la
Suisse (la Scythie primitive / la Suisse indépendante); les guerres entre la
Grèce et la Perse et celles entre la France et l'Allemagne sont également
mises en parallèle.
Dans la seconde partie, les tyrans d'Athènes sont comparés à Robespierre, les
rois en exil (Denys de Syracuse à Corinthe) et les rois exécutés (Agis de
Sparte) à Charles Ier d'Angleterre et à Louis XVI. Le parcours de l'histoire
antique s'arrête à l'intervention de Philippe et d'Alexandre (vers l'an 336).
Chateaubriand réserve le reste de l'ouvrage aux philosophes grecs, qu'il
compare aux philosophes plus modernes, et donne un aperçu de l'histoire des
religions depuis le déclin du polythéisme grec jusqu'à celui de la religion
chrétienne du XVIIIe siècle en passant par Constantin, Rome, la Réforme, et
l'influence des Philosophes.
Une «Nuit chez les Sauvages de l'Amérique» clôt l'ouvrage, consacrant l'image
de la liberté chez le jeune Chateaubriand.
L'auteur de l'Essai sur les révolutions est un homme issu du siècle des
Lumières, bien qu'il l'attaque sévèrement. Le souci d'explication, l'entrée de
l'Histoire comme source capitale pour la compréhension du monde moderne
révolutionné, la mise en rapport même du politique et des moeurs, tout cela
relève du siècle de Voltaire. Le «système» de Chateaubriand est clair: il
s'agit de jeter de la lumière sur la Révolution en remontant aux révolutions
survenues depuis l'Antiquité, et en maintenant la Révolution française comme
le «foyer commun, où viendront converger tous les traits épars de la morale,
de l'Histoire et de la politique». En dépit des différences relevées, les
parallèles et autres comparaisons mènent à un constat de non-changement et
d'autonomie de l'Histoire; celle-ci apparaît comme un cercle dont on ne peut
pas sortir. Il semble donc que les révolutions proviennent «des choses»,
théorie défendue par Mallet du Pan, c'est-à-dire, principalement, des moeurs.
Mais Chateaubriand n'en est pas sûr: il s'éloigne de la théorie de la
Providence, mais n'exclut pas l'intervention d'un Dieu; il impute aux
Philosophes, et nommément au Rousseau de l'Émile, d'avoir provoqué la
Révolution française, tout en se présentant lui-même comme un élève et
admirateur du philosophe genevois, qu'il distingue des Encyclopédistes dont le
but était la simple destruction. Ce dernier point de vue semble l'emporter.
Le premier résultat de l'enquête est donc d'ordre politique. On voit bien
l'influence de Rousseau, lorsque Chateaubriand hésite à croire en la formation
d'une république où les citoyens seraient libres et heureux. L'auteur s'en
félicite, en 1826, lorsqu'il déclare, dans sa nouvelle Préface, que «la
monarchie représentative est mille fois préférable à la république
représentative», conviction énoncée, en réalité, à plusieurs reprises dans le
texte de 1797. Le problème de la liberté est capital dans l'Essai sur les
révolutions, et surtout cette «soif de liberté» toujours mêlée à «celle de la
tyrannie», comme l'atteste l'histoire récente (Lycurgue égale les Jacobins,
mais l'oeuvre du Lacédémonien s'arrête à temps, celle des Jacobins va trop
loin).
La solution politique se trouve ainsi en-deçà des temps révolutionnaires, mais
la question du bonheur, question éminemment dix-huitiémiste, trouve sa
solution au-delà de toute société établie. Chez l'homme primitif, en Scythie
antique avant l'influence des Grecs, en Suisse avant l'influence exercée par
les lettres et les arts, ou encore chez les Indiens d'Amérique, le bonheur
règne pleinement. Or, dans ses notes de 1826, Chateaubriand se reproche
d'avoir trop insisté sur le rôle des moeurs dans la réalisation, ou plutôt la
décadence, de la liberté, et non pas assez sur les possibilités réservées à
l'homme éclairé. En 1797, il était en effet persuadé que «plus nous avancerons
vers les temps de corruption, de lumières et de despotisme, plus nous
retrouverons nos temps et nos moeurs», c'est-à-dire les temps modernes.
Regardant la France de la Terreur, il pouvait comparer les tyrans d'Athènes
aux hommes de la Convention. Mais si «l'homme est né libre», comme il le dit
avec Rousseau, et s'il est vrai que la liberté sort du droit de la nature,
Chateaubriand doit conclure que la «liberté civile», politique, est une chose
impossible dans les temps de décadence qui étaient les siens.
Mais c'est sur ce point que l'Essai sur les révolutions brise les fers de
l'homme _ et du siècle des Lumières _ et ouvre une perspective toute
«romantique». Chateaubriand hésite encore quant à sa propre foi chrétienne:
Dieu est pour lui un «architecte de l'univers», donc le Dieu des déistes, mais
il avoue dans le même passage que toute la nature parle en faveur de Dieu,
donc que celui-ci est présent dans la Création. Voilà le ton et presque les
paroles de Paul et Virginie et du Génie du christianisme. Chateaubriand
considère la nature comme le seul lieu où l'homme moderne, avide de liberté,
peut trouver le bonheur, en fuyant une société qui tout à la fois prétend unir
les hommes, et les exclut de son sein. Aux «infortunés» exilés (deuxième
partie, chap. 13), Chateaubriand parle en ces termes: «Il faut éviter la
société, lorsqu'on souffre», annonçant par là l'attitude et le destin de René,
image de l'auteur, présent donc dans l'Essai, comme il l'avoue dans sa Notice
précédant le texte: «On y voit presque partout un malheureux qui cause avec
lui-même [...]. Le "moi" se fait remarquer chez tous les auteurs qui,
persécutés des hommes, ont passé leur vie loin d'eux. Les solitaires vivent de
leur coeur [...].» Et Chateaubriand de raconter son voyage en Amérique comme
un exemple de l'expérience du bonheur originel et de la liberté primitive.
Cette fuite hors de la société moderne, de la «civilisation», rendue
nécessaire pour qui n'y trouve pas la liberté convoitée, reste jusque dans les
Mémoires d'outre-tombe, un thème essentiel de Chateaubriand. L'Essai sur les
révolutions annonce ainsi les Mémoires, autobiographique dans ses motivations
essentielles, et déjà très romantique dans sa thématique profonde.
La monarchie selon la Charte 1816 - Chateaubriand :
Il n'est aucun des textes de Chateaubriand (1768-1848) auquel se trouve
attaché le qualificatif de "politique" qui n'apparaisse d'abord comme un écrit
de circonstance, inséparable du contexte historique le plus immédiat dans
lequel il a été rédigé.
Publiée en 1816, "La Monarchie selon la Charte" n'échappe pas à cette règle.
En cette seconde année de la Restauration, Chateaubriand, opposant résolu au
régime napoléonien depuis l'assassinat du duc d'Enghien, auteur en 1814 d'un
libelle de combat -"De Bonaparte aux Bourbons- dont l'influence sur l'opinion
ne semble pas avoir été négligeable, compte parmi les personnalités les plus
importantes de ce qu'il est convenu d'appeler le "parti" ultra-royaliste. Il
vient d'être nommé Pair de France, tandis que les premières élections de la
Restauration ont porté à la Chambre des députés une imposante majorité se
réclamant du même courant de pensée. L'étrangeté des circonstances veut
cependant que cette Chambre, dite "introuvable", se trouve en opposition
directe avec le pouvoir royal à qui elle reproche à la fois de conserver
l'essentiel du système administratif hérité du régime précédent et de
témoigner d'une indulgence excessive à l'égard de l'ancien personnel politique
issu de la Révolution et de l'Empire... Chateaubriand reprenant et développant
ces griefs, "La Monarchie selon la Charte" apparaît ainsi comme l'expression
d'une double prise de position, simultanément libérale et
contre-révolutionnaire. L'ouvrage réclame l'élargissement des pouvoirs du
Parlement, allant jusqu'à revendiquer -au nom de la logique même de la Charte
de 1814- le principe de la responsabilité gouvernementale devant la
représentation nationale. Mais il se présente en même temps comme une
dénonciation violente du régime à l'égard des "hommes de la Révolution", du
mépris dont il témoigne à l'égard des grandes forces traditionnelles (et
notamment la vieille noblesse) sur lesquels il devrait s'appuyer. "Les choses
politiques de la Révolution, mais non les hommes de la Révolution, écrit
Chateaubriand, voilà tout mon système."
Paradoxalement ce sont donc les principes du parlementarisme qui se trouvent
évoqués contre l'autorité royale, mais au nom même d'une fidélité monarchique
très hautement proclamée... Evidente, l'arrière-pensée tactique de l'ouvrage
ne doit pas cependant conduire à une interprétation par trop restrictive de
son contenu. Dans leur apparente contradiction, il apparaît en effet que ce
sont bien les deux mots d'ordre essentiels de "La Monarchie selon la Charte"
-la défense de la Liberté et la défense de la Légitimité- qui constituent les
données fondamentales sur lesquelles la politique de Chateaubriand n'a jamais
cessé de s'appuyer. Deux termes qui, pour l'auteur du "Génie du
Christianisme", ne sauraient en aucun cas être compris comme antagonistes.
Qu'il va s'attacher au contraire, et avec une totale continuité dans la
doctrine, à présenter comme étroitement solidaires, organiquement
complémentaires.
En faveur de l'acceptation des "choses de la Révolution", deux catégories
d'arguments sont inlassablement évoquées. L'une relève du pragmatisme le plus
élémentaire: tout retour en arrière, toute tetative de restauration de l'
Ancien Régime apparaissent comme historiquement impossibles. Chateaubriand est
parfaitement conscient du caractère irréductible des bouleversements opérés
dans la société française par la grande tourmente révolutionnaire; prétendre
lutter contre "l'esprit du siècle" serait immanquablement s'exposer "à la
confusion, puis à la tyrannie"... Aux considérations du réalisme politique
viennent toutefois s'ajouter les exigences d'un impératif moral très
réellement et très profondément vécu: la récusation du "despotisme" au sens
même que Montesquieu donnait à ce terme; l'attachement à la valeur suprême de
la Liberté, considérée non seulement comme un droit politique, mais comme un
"droit de nature", ou plutôt, dit Châteaubriand "comme un droit divin": "La
Liberté, écrit-il, émane de Dieu qui ne mit point de condition à l'homme
lorsqu'il lui donna la parole..."
La liberté resterait cependant un vain mot si elle n'était assurée par "la
présence d' institutions fixes qui nous servent d'abri contre les passions et
les fantaisies des hommes". Or -affirme Chateaubriand et c'est le second terme
du dyptique -ces institutions fixes, seule la monarchie légitime est capable
d'en assurer le fonctionnement. En faveur du principe monarchique ne sont pas
seulement évoqués les puissances de la tradition et de la mémoire,
l'enracinement dans l'histoire, "les souvenirs de la vieille France, la
religion, les antiques usages, les moeurs de la famille, les habitudes de
notre enfance, le berceau, le tombeau". C'est dans son principe même, dans la
mesure où elle échappe aux jeux des partis et des factions, où elle incarne
"la puissance paternelle réglée par les institutions, tempérées par les
moeurs" que la monarchie est présentée comme le meilleur garant des libertés
publiques. "La royauté légitime constitutionnelle, écrit Chateaubriand, m'a
toujours paru le chemin le plus doux et le plus sûr vers l'entière liberté",
c'est-à-dire fondée dans l'histoire, elle ne peut être aussi -pour ne pas
renier "l'esprit du siècle", pour répondre aux nécessités présentes de sa
fonction- que "constitutionnelle", c'est-à-dire dans le cadre d'un système de
dispositions écrites, modulée pour une juste répartition des pouvoirs,
accordant une large place au principe de la représentation nationale.
Chateaubriand en vient ainsi à voir dans la Charte de 1814 "la forme politique
préférable à toutes autres parce qu'elle fait le mieux entre l'ordre et la
liberté". C'est "un traité de paix signé entre les deux partis qui ont divisé
les Français". Elle assure la réconciliation de la vieille France et de la
nouvelle, les équilibres l'une par rapport à l'autre. Elle renforce le
principe de légitimité en l'adoptant aux aspirations présentes de la
communauté nationale. Elle permet le développement des principes de liberté en
les plaçant sous la garantie de l'histoire. "Toutes les bases d'une liberté
raisonnable y sont posées; et les principes républicains s'y trouvent si bien
combinés qu'ils y servent à la force et à la grandeur de la monarchie."
Repartir çà l'an zéro de la Révolution française, rétablir le fil d'une
continuité historique brisée, asseoir les bases d'un ordre politique et social
enfin stabilisé, tenant compte à la fois de l'héritage et des mutations du
présent, au moment même où est publiée "La Monarchie selon la Charte" le rêve
est alors très largement partagé. Il n'est guère différent de celui d'un
Benjamin Constant, d'un Guizot ou d'un Royer-Collard. C'est la fidélité avec
laquelle il a été poursuivi qui donne cependant à la politique de
Chateaubriand une unité et une continuité qui lui ont été souvent contestées.
Au-delà des perspectives largement tracées d'une vaste vision historique, sans
doute l'homme n'est-il jamais absent. C'est sans peine que l'on retrouve, à
l'arrière-plan de chacun de ses écrits politiques (et surtout après le grand
effondrement de 1830), son goût essentiel pour les valeurs de refus, sa
vocation d' exilé de l'intérieur, sa volonté hautaine de solitude, -une
certaine façon aussi de cultiver le mépris, la hantise des ruines et de la fin
inéluctable de toute grandeur et de toute beauté. Nihilisme fondamental qui le
conduit peu à peu, dans les années du régime de Juillet, vers un prophétisme
de plus en plus sombre. Les vieilles monarchies sont irréductiblement
condamnées à périr: "Les nations marchent à leur denstinée... Tout s'arrange
pour la chute des trônes... Dieu a livré les sceptres à des pauvres hères de
rois rappelés des Invalides, à de petits garçons chassés ou abandonnés, à de
petites filles en maillot ou dans les aubes de leurs noces..." Mais avec les
vieilles dynasties historiques, c'est le principe même de la liberté qui
risque de définitivement s'engloutir. Les nations européennes marchent vers le
nivellement dans le despotisme -despotisme d'un homme ou despotisme des
masses. Une foule de "sales tyrans" se préparent à prendre la place des vieux
souverains déchus. Une "société ruche" verra son avènement où, toutes
différences étant abolies, l'individu ne sera plus qu' "un atome dans la
matière organisée". Nous ne sommes plus très loin d'Alexis de Tocqueville et
de la "terreur religieuse" que lui inspire la marche irréversible vers la
démocratie. L'historien des idées peut récuser ce pessimisme; il ne peut ni en
contester l'intérêt ni s'abstenir de s'interroger sur sa signification.
Le génie du christianisme ou Les beautés de la religion chrétienne 1802 :
Oeuvre de François-René de Chateaubriand (1768-1848), parue le 24 Germinal an
IX (14 avril 1802) sous le titre : "Le génie du christianisme ou Beautés de la
religion chrétienne", un an presque jour pour jour après "Atala" et quelques
jours avant la proclamtion officielle du Concordat à Notre-Dame de Paris, en
présence du premier Consul. Chateaubriand avait commencé la rédaction de cet
ouvrage en 1798, dans "les ruines des temples" comme il l'a écrit lui-même,
c'est-à-dire dans une atmosphère d'irréligion, suite à la Révolution. Il y
avait loin des idées qui inspirèrent cette oeuvre à celle de l' "Essai sur les
Révolutions". Revenu à la foi de son enfance, Chateaubriand voulut aussitôt en
dépeindre les beautés. Dès 1799, il en avait terminé une première rédaction
qu'il essaya de mettre en vente, mais sans succès. Il travailla de nouveau à
son livre en 1801. L'ouvrage s'intitulait alors: "Beautés morales et poétiques
du Christianisme" et était attendu du public avec une grande impatience, sa
parution ayant été annoncée longtemps à l'avance. Le "Génie du Christianisme"
paraissait au moment même où son utilité était la plus manifeste: L' Eglise et
l' Etat venaient de se réconcilier et le Christianisme semblaît renaître après
les épreuves qu'il venait de traverser. L'oeuvre avait aussi un but politique:
Chateaubriand y appuyait le programme du Premier Consul et manifestait le
ralliement de son auteur, rayé de la liste des émigrés par Bonaparte. La
seconde édition (1803) s'accompagnait même d'une épître dédicatoire au Premier
Consul, où l'auteur déclarait:" On ne peut s'empêcher de reconnaître dans vos
destinées la main de cette Providence qui vous avait marqué de loin pour
l'accomplissement de ses dessein prodigieux". Il exprimait ainsi les espoirs
du parti catholique, désormais conquis à Bonaparte: "Continuez à tendre une
main secourable à trente millions de chrétiens qui prient pour vous au pied
des autels que vous leur avez rendus". Le Premier Consul ne devait pas se
montrer ingrat: Chateaubriand fut nommé secrétaire d'ambassade à Rome, puis
Ministre de France dans le Valais. Mais l'assassinat du duc d' Enghien vint
interrompre cette carrière: Chateaubriand démissionna et rompit avec
Bonaparte. A partir de ce moment, il fut farouchement antibonapartiste et, en
1814, il devait combattre avec âpreté Napoléon dans son pamplet "De buonaparte
et des Bourbons" qui allait jusqu'à la calomnie.
Dans le "Génie du Christianisme", il n'entend nullement prouver la vérité de
la religion chrétienne, mais répondre aux sarcasmes des philosophes du XVIIIe
siècle, et en particulier à ceux de Voltaire. Ceux-ci avaient ridiculisé non
seulement le clergé, mais la religion même; ils avaient soulevé la haine et le
dégoût contre l' Inquisition, contre les jésuites, contre l' immoralité et l'
ignorance des moines. Chateaubriand entend montrer que la religion est belle,
qu'elle sert la cause de la civilisation, qu'elle a inspiré les grandes
oeuvres des temps modernes, que la civilisation est chrétienne même si elle le
nie, qu'enfin la religion accompagne et rend plus humaine la vie de chaque
jour. Dans sa première partie consacrée aux Dogmes et Doctrines, il étudie
successivement: les Mystères et les Sacrements (Livre I), les Vertus et les
Lois morales (II), la Vérité des Ecritures et en particulier l'article du
péché originel (III). Au livre V, il arrive à l' "Existence de Dieu prouvée
par les merveilles de la nature". Cette démonstration n'a pas de caractère
théologique ou métaphysique, elle est exclusivement poétique: ce que
Chateaubriand veut montrer, c'est seulement qu'il est beau de croire et que la
beauté de l' Univers porte à la foi: c'est un prétexte à des descriptions
aimables ou solennelles, d'un style admirable, qui comptent parmi les plus
belles pages de cet écrivain. La seconde partie est consacrée à la supériorité
des oeuvres inspirées par le Christianisme sur les poèmes païens. Il y étudie
les "Epopées chrétiennes": la "Divine comédie" qu'il révéla à la France, la
"Jérusalem délivrée", les "Lusiades", la "Messiade" de Klopstock, le "Paradis
perdu" de Milton, dont il devait plus tard donner une traduction, enfin la
"Henriade". Au second livre, sa comparaison des caractères naturels et
sociaux, dans les poèmes antiques et modernes, peut être considérée comme
l'origine de la critique historique, qui étudie l'évolution d'un même
caractère, par exemple celui d' Iphigénie, suivant l'époque, le pays, la
religion des poètes qui cherchent à le peindre. Le troisième livre reprend le
même thème envisagé sous un angle différent: celui du rapport des passions.
"René", publié à part en 1805, formait l'illustration de la thèse soutenue par
l'auteur. Au livre IV, il s'efforce de démontrer la supériorité du merveilleux
chrétien sur le merveilleux païen. La seconde partie se termine sur un
parallèle entre la Bible et Homère.
La troisième partie est consacrée aux arts et à la littérature. Le premier
livre qui traite de la musique, de la peinture et de la sculpture, est le plus
faible de tout l'ouvrage; les connaissances de Chateaubriand dans ce domaine
étaient trop insuffisantes pour lui permettre de parler de ces questions avec
compétence. Cependant le chapitre célèbre qu'il consacre aux Eglises
gothiques, eut le mérite de réhabiliter cette architecture et fut à l'origine
de l'engouement romantique pour cet art. Le second livre, qui a pour sujet la
philosophie, demeure très superficiel; néanmoins, les quelques pages qui se
rapportent à Pascal sont classiques. Le troisième livre est consacré à
l'influence du Christianisme sur la manière d'écrire l'histoire, le quatrième
à l' Eloquence sacrée. Le cinquième traite des "Harmonies de la Religion
chrétienne" et plus particulièrement de la poésie des ruines. "Atala ou Les
amours de deux sauvages dans le désert" publié un an auparavant (1801), y
prenait place. La quatrième partie a pour objet le culte: Chateaubriand y
traite des églises, ornements, prières, cérémonies liturgiques, tombeaux. Il
esquisse ensuite une "Vue générale du clergé", puis il passe aux Missions, aux
Ordres militaires et à la Chevalerie, enfin aux "Services rendus à la société
par le Clergé et la Religion chrétienne en général". Les pages sur les
cloches, sur la fête des Rogations, qui en font partie, demeurent, à juste
titre, parmi les plus fameuses du livre.
"Le génie du Christianisme" est, en fait, l'oeuvre centrale de Chateaubriand.
"Atala", "René", qui se rattachent tous deux à la vaste épopée indienne: les
"Natchez", en sont extraits. Les "Martyrs" furent écrits pour justifier les
théories du IVe livre, et la plus grande partie de l'oeuvre de Chateaubriand
découle des idées qu'il exprime et des positions qu'il prend dans le "Génie".
Le succès de l'oeuvre fut immense, elle venait à son heure. Il y eut bien des
voix discordantes, c'étaient celles des voltairiens athées; mais l'oeuvre n'en
donna pas moins à Chateaubriand une gloire immense du jour au lendemain, et
elle devait connaître un regain de faveur lors de la Restauration. L'oeuvre
exerça une telle influence durable, non seulement sur la poésie, où elle
suscita un nouveau genre: la méditation philosophique et religieuse, que
devaient illustrer plus tard Lamartine, Vigny et Victor Hugo, et sur la critique
littéraire où Chateaubriand se montrait un novateur, mais sur l'histoire (car
elle attira l'attention sur une période complètement négligée jusqu'àlors: le
moyen âge), sur l' art, en remettant à la mode l'art gothique, où les artistes
trouvèrent une nouvelle source d'inspiration et même d'imitation; enfin, elle
créa un mouvement de renaissance religieuse ou du moins elle l'appuya. Si l'on
ne demeure plus toujours sensible aux arguments employés par l'auteur et à son
système de défense du Christianisme, dont l'efficacité valait surtout à son
époque, si "Le génie du Christianisme" nous apparaît plutôt comme une
juxtaposition d'impressions, de descriptions, voire de considérations
sentimentales, qui voisinent avec des réquisitoires et des polémiques contre
certains écrivains et leurs tendances, plutôt qu'un système cohérent comme les
oeuvres des deux grands penseurs contemporains: Joseph de Maistre et Bonald,
le livre n'en demeure pas moins un monument littéraire, rempli de pages
admirables que la noblesse et la splendeur de leur style rendent immortelles.
Les martyrs ou le Triomphe de la religion chrétienne 1809 :
Épopée en prose de François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848),
publiée à Paris chez Le Normant en 1809. Une troisième édition augmentée d'un
«Examen» et de «Remarques» sera publiée chez le même éditeur en 1810.
Précurseur du roman historique, l'épopée chrétienne de Chateaubriand repose
sur de vastes lectures et puise à de multiples sources, classiques et
modernes, tels les deux ouvrages de Fleury, Histoire ecclésiastique (1692) et
Moeurs des chrétiens (1741): l'«Examen» et les «Remarques» témoignent de cette
érudition. L'inspiration proprement dite remonte à la lecture d'E.C. Knight:
Marcus Flaminius (1792, traduction française en 1801), mais surtout aux
expériences personnelles de Chateaubriand qui ont également engendré René. Une
première version, «les Martyrs de Dioclétien», date de 1805, mais l'auteur
suspend son travail pour le reprendre seulement à son retour d'Orient, en
1807. L'ouvrage sera mal accueilli à sa sortie, les lecteurs lui préférant le
Génie du christianisme, et la critique acceptant mal le merveilleux chrétien,
qui n'est cependant guère prépondérant.
En Grèce, sous le règne de Dioclétien, Démodocus destine sa fille Cymodocée au
culte des Muses. Elle rencontre Eudore, de la famille chrétienne des
Lasthénès, et, dans une scène idyllique, la jeune fille chante l'histoire
mythique de la Grèce, et Eudore celle des Hébreux. Puis le jeune héros raconte
sa propre histoire mouvementée: tout en faisant la connaissance, à Rome, de
Jérôme et d'Augustin (futurs saints), et du prince Constantin (futur
empereur), Eudore sombre dans la dolce vita des Romains, et se voit excommunié
de l'Église. Un hasard le surprend en compagnie de l'impératrice et de la
princesse qui se rendent aux catacombes, chez les chrétiens. Il est exilé sur
les bords du Rhin où il doit combattre dans l'armée impériale; blessé, il est
accueilli par les Francs, puis il s'établit en Armorique, chez les Gaulois.
C'est là qu'il rencontre la fée Velléda, mais les amours du chrétien et de la
druidesse, vouée à la virginité, entraînent le suicide de celle-ci, et Eudore
retourne, malheureux et repentant, chez son père. Sous l'effet des démons de
l'enfer, alors que Dieu a décidé, depuis longtemps, qu'Eudore sera la victime
rachetant les chrétiens, les événements se précipitent: le couple amoureux,
Eudore et Cymodocée nouvellement convertie, essaie de fuir Hiéroclès,
proconsul de Grèce, qui convoite la chrétienne. Celle-ci tâche de rejoindre
Eudore emprisonné à Rome; elle est elle-même capturée, et les deux amants
trouvent ensemble la mort dans les arènes, martyre ordonné par l'empereur
Galérius, dont le successeur immédiat, Constantin, assurera le triomphe du
christianisme.
De son propre aveu (voir l'«Examen»), Chateaubriand a voulu démontrer, dans
les Martyrs, la supériorité et la nécessité du merveilleux chrétien par
rapport au merveilleux païen. Pour ce faire, il s'inspire de Milton (le
Paradis perdu), tout en recourant au Tasse (la Jérusalem délivrée) pour
l'aspect épique de son texte. Or, sous l'attirail de démons et d'anges, sous
le Diable ou le Christ, il est légitime de détecter des forces purement
humaines, régissant, tout en le faisant pencher tantôt vers le Bien, tantôt
vers le Mal, le destin de l'humanité, dans cette époque de crise qu'est le
passage du paganisme au christianisme. Au même niveau, la bestialité
malicieuse de Hiéroclès et l'humanisme persévérant d'Eudore ne sont que les
signes extérieurs d'une lutte qui, en tant que telle, s'est répétée pendant la
Révolution française _ et d'où serait sorti, comme du temps de Constantin, un
christianisme renouvelé. Les Martyrs ne sont pas traduisibles en termes
révolutionnaires, mais restent symboliques d'un parcours suivi par l'auteur
lui-même, et qu'il faut donc prendre en compte dans la lecture de l'ouvrage.
Nourri d'images retenues de son expédition orientale (voir Itinéraire de Paris
à Jérusalem) _ Grèce, Jérusalem, Égypte _, mais aussi d'images de Rome, où il
avait séjourné en 1803, et de la Bretagne de son enfance, le texte reflète un
drame personnel et accomplit une évolution commencée en 1797 avec l'Essai sur
les révolutions. Eudore est bien Chateaubriand lui-même, réunissant «en [lui]
seul les deux plaies [...], l'instinct voyageur, et la soif du repos», qui le
tourmenteront jusque dans sa vieillesse (voir la quatrième partie des Mémoires
d'outre-tombe). C'est aussi René (voir René): Eudore vit dans la ville de Rome
«une vaste solitude»; en pleine nature armoricaine, une «solitude» dans la
séparation «du reste du monde»; il visite, en Europe du Nord, des tribus
sauvages, heureuses comme celles de l'Amérique (livre VII). Velléda, figure de
la virginité comme Atala (voir Atala), ressent le même «fatal amour» pour
Eudore que celui qu'Amélie nourrit pour René. Velléda, qui est en outre
comparée à Didon, est la femme aimée et abandonnée, drame vécu si souvent par
Chateaubriand et figure même (cohérence / séparation) de sa vie.
Autobiographie déguisée, récit de voyage entrecoupé de passages romanesques,
les Martyrs sont encore plus difficiles à définir au plan stylistique: ne
représentent-ils pas un maquillage d'un mode épique depuis longtemps dépassé?
L'héroïsme qui caractérise les scènes de bataille entre Romains et Francs, le
courage d'Eudore comparé à Léonidas ne jurent-ils pas avec le sentimentalisme
des scènes géorgiques, édéniques, chez les chrétiens de la Grèce? Le décalage
n'est qu'apparent: dans les Martyrs comme dans les Natchez, Chateaubriand
explore sa veine d'artiste, par exemple en s'inspirant de l'Endymion de
Girodet pour la figure d'Eudore assoupi (I), ou donnant de Velléda (IX) un
portrait dans le même style néoclassique, mais aussi, et bien plus, en
accentuant les contrastes dans la peinture des personnages (Cymodocée la
spirituelle, Velléda la tentatrice charnelle) ou des paysages (Grèce,
Bretagne), contrastes qui se résoudront finalement dans une extase mystique,
et une envolée loin de la terre. Cette envolée, dans les Martyrs, est aussi
d'ordre poétique: après le Génie, après l'Essai sur les révolutions, voici
enfin que Chateaubriand confirme les dons de romancier dont il avait donné des
preuves dans Atala et René.
Chateaubriand - Les Natchez 1826 :
Récit en prose de François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848), publié
dans ses Oeuvres complètes à Paris chez Ladvocat en 1826.
Ce long ouvrage, dont le projet remonte à la veille de la Révolution,
s'inspire du voyage de l'auteur en Amérique (1791); à partir des notes qu'il a
prises, Chateaubriand y travaille pendant son émigration en Angleterre
(1793-1799), faisant de la première moitié du texte une véritable épopée du
Nouveau Monde. Revenu en France en 1800, il laisse outre-Manche son manuscrit
à l'exception des pages contenant Atala et René qu'il a l'intention de publier
soit à part, soit dans le Génie du christianisme. C'est seulement en 1816
qu'il retrouve l'ensemble de son manuscrit. Chateaubriand ne cache pas que,
parmi plusieurs sources historiques et géographiques, il utilise surtout
l'Histoire de la Nouvelle-France, du père Charlevoix (1744). Par ailleurs, le
côté épique de la première partie évoque en particulier le Tasse (la Jérusalem
délivrée) et Milton (le Paradis perdu).
«L'Épopée». En 1725, un jeune Français, René, est adopté par Chactas, sachem
d'une tribu Natchez établie près du fort Rosalie, en Louisiane. Alors que la
guerre semble imminente entre Natchez et Français, une intrigue se noue dans
le camp des Indiens: René est aimé de Céluta; celle-ci est convoitée par le
jeune guerrier ambitieux Ondouré, ce qui provoque la jalousie d'Akansie, la
mère de l'héritier du rang suprême. Tout un parti se forme autour de Chactas
avec, outre Céluta et René, la jeune Mila vainement éprise du Français, et
Outougamiz, frère de Céluta. Lors d'une chasse, Chactas raconte à René sa vie
qui, après l'épisode relaté dans Atala, l'a mené en France, où il a connu le
bagne de Marseille, et visité la cour de Versailles et Paris. Une chasse au
castor déclenche ensuite une guerre contre la tribu des Illinois, tandis que
les hostilités entre Natchez et Français prennent un tour aigu. Les
combattants sont sauvés par des actes de fraternité: Outougamiz vient au
secours de René, et Céluta rend aux Français le capitaine d'Artaguette,
prisonnier mais ami des Indiens.
«Le Roman». Ondouré, après avoir causé la mort du chef des Natchez, est
lui-même élu chef de la tribu et s'entend avec les Français pour perdre René,
qui vient d'épouser Céluta. Accusé, à La Nouvelle-Orléans, d'avoir porté les
armes contre la France, René est libéré après l'intervention d'Artaguette.
Revenu au sein de sa famille indienne, René apprend la mort de sa soeur Amélie
en France: il raconte alors son histoire à Chactas (voir René). Lors d'une
attaque décisive dirigée contre les Français par Ondouré, celui-ci tue René,
mais est lui-même assassiné par Outougamiz. Après la dispersion de la tribu,
Céluta et Mila se suicident.
Le texte combine l'épopée, jouant sur tous les registres du merveilleux
chrétien et païen, et le roman frénétique, mêlant traîtrises et meurtres. Il
est lacunaire aussi, étant publié sans les histoires de Chactas et de René; il
faut attendre la «Lettre de René à Céluta», au milieu du roman, pour
comprendre le comportement du jeune Français... Cependant, du magma d'exotisme
et de merveilleux, d'Histoire et de moeurs indiennes, se dégage un des textes
fondateurs du romantisme. Pour lire ce texte, il faut aller au-delà de la
comparaison René-Ulysse et Céluta-Nausicaa, de l'intervention de Satan et de
toutes sortes de scènes sanguinaires ou sentimentales. Chactas et René
apparaissent, dès lors, comme des figures de l'exil et du traumatisme provoqué
par un drame personnel. Chactas est un des derniers «bons sauvages», cherchant
à aplanir les désaccords entre Indiens et Français, mais pris dans l'engrenage
des luttes autour du pouvoir. René, de son côté, poursuivi par la fatalité,
est le prototype du nouveau Caïn, comme il l'admet dans sa lettre à Céluta,
hanté par un sentiment de culpabilité après la mort d'Amélie. Il évite la
sexualité, ne rêvant, comme Chactas, que de fraternité. René est l'homme des
brisures et de l'exclusion, l'individu souffrant des suites de la Révolution
qu'on devine à l'horizon de son drame symbolique. Mais cherchant la liberté
dans les «déserts» de l'Amérique, il a dû accepter cette évidence que personne
n'échappe ni à ses frères _ dans la dépendance _ ni à ses propres passions.
Roman personnel donc, d'autant plus qu'un «je» narrateur s'exprime
périodiquement: «Pour apprécier vos délices», dit ce «je» à propos de René et
de Céluta, «il faut avoir élevé comme moi sa pensée vers le ciel, du fond des
solitudes du Nouveau Monde.» Et René traçant «quelques lignes au crayon sur
ses tablettes», c'est bien Chateaubriand lui-même voyageant et écrivant en
même temps. Faire dire à un Indien qu'«on n'est pas libre, parce qu'on se dit
libre», c'est s'exprimer sur la Révolution française. En dépit du
retentissement de l'aventure américaine, le texte témoigne donc clairement de
la situation historique de l'auteur. C'est cette situation qui a influé sur la
forme de l'ouvrage: les Natchez ont été délaissés au moment où l'auteur se
reprenait, après avoir publié l'oeuvre conflictuelle qu'est l'Essai sur les
révolutions, pour tout miser sur le Génie du christianisme, oeuvre
d'intégration. L'ancien projet d'écrire un poème sur les sauvages d'Amérique a
été dépassé par l'Histoire.
De Buonaparte et des Bourbons 1814 - Chateaubriand :
Oeuvre fameuse de François René de Chateaubriand (1768-1848) dont le vrai
titre est : " De Buonaparte, des Bourbons et de la nécessité de se rallier à nos
princes légitimes pour le bonheur de la France et celui de l'Europe".
Écrite
en faveur du retour des Bourbons sur le trône de France, elle fut composée en
1813 et éditée en 1814 quand, les événements s'étant précipités, l'abdication
de l'Empereur était proche ainsi que la restauration de Louis XVIII. L'oeuvre
a trois parties: la première porte un jugement très dur sur "Buonaparte" et
les actes de l' étranger" qui, après la Révolution était devenu le chef de la
France et qui, comme "un faux grand homme", avait élevé son trône sur les
ruines d'un peuple; la seconde partie, sur les Bourbons, montre la nécessité
pour la France de se rassembler autour des souverains légitimes qui, seuls,
pourront donner la pax et l'ordre à la Nation; la troisième, sur les alliés
des légitimistes et des Bourbons, cherche à justifier -avec une évidente
difficulté -la politique des étrangers qui tentaient d'affaiblir le prestige
de la France et, comme cela devait bientôt arriver, d'envahir son territoire.
Dans son ensemble, cette oeuvre, qui contribua fortement à préparer les
esprits à la restauration des Bourbons, a une valeur particulière parce
qu'elle nous montre la profondeur psychologique et la riche ferveur des
sentiments qui animaient Chateaubriand, homme politique. La publication
intégrale de ce pamphlet antibonapartiste lorsqu'il était déjà dépassé par les
événements, révèle la satisfaction de vanité littéraire que pouvait y trouver
l'auteur.
Mémoires d'outre-tombe - Chateaubriand 1848 à 1850 :
Récit autobiographique de François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848),
publié à Paris en feuilleton dans la Presse du 21 octobre 1848 au 3 juillet
1850, et en volume chez Penaud de 1849 à 1850 (12 vol.).
On dispose
aujourd'hui, essentiellement, de quatre versions de l'oeuvre: l'édition
originale de 1849-1850, rééditée en format de poche; une édition dite «du
Centenaire» (procurée par Maurice Levaillant en 1948) qui est supposée
rétablir, dans la mesure du possible, le texte de 1841; l'édition de la
«Bibliothèque de la Pléiade» établie sur la base des derniers manuscrits
laissés à sa mort par Chateaubriand et de l'édition originale; enfin, une
nouvelle édition des «Classiques Garnier» par J.-Cl. Berchet, fondée
exclusivement sur les manuscrits de 1847 et de 1848, dernier état du texte
revu par l'auteur. La numérotation des livres suivie dans le présent article
se réfère à cette dernière édition.
Ce dernier texte de Chateaubriand a été destiné par l'auteur lui-même à une
publication posthume. L'idée d'écrire les «Mémoires de [sa] vie» remonte à
1803, quand il était secrétaire d'ambassade à Rome, et la composition du vaste
ouvrage (près de 4 000 pages manuscrites) traverse ainsi la majeure partie de
l'existence de Chateaubriand. Il y songea sérieusement de 1811 à 1814 et y
travailla surtout de 1817 à 1822, en 1828-1829, puis dans les années 1830
avant de le terminer, au moins dans leur première rédaction, le 16 novembre
1841. Enfin, il réduisit et corrigea le texte de 1845 à 1847.
Le genèse des Mémoires d'outre-tombe est en même temps celle d'un genre
littéraire à mi-chemin entre l'autobiographie et les Mémoires historiques. Si
Chateaubriand, dans les «Mémoires de ma vie» (écrits entre 1811 et 1822), d'où
sortirent les douze premiers livres des Mémoires définitifs, voulait raconter
sa vie et ses sentiments, «rendre compte de [soi] à [soi]-même», «expliquer
[son] inexplicable coeur», ce n'était pas pour livrer des secrets intimes, tel
le Rousseau des Confessions, à un public curieux de vies privées. Ce qu'il
confie à Mme Récamier, en lui donnant son premier manuscrit en 1822, c'est la
simple histoire de son enfance et de sa jeunesse, sous une forme «convenable à
[sa] dignité d'homme», comme il le dit dès 1806. Le projet autobiographique
était, en effet, à cette époque de la vie de Chateaubriand, au premier plan de
ses préoccupations, comme en témoignent René et l'Itinéraire de Paris à
Jérusalem. Toutefois, les Mémoires devenaient de plus en plus, pour l'auteur,
un essai sur lui-même, et Chateaubriand s'inspirait parfois directement de
Montaigne. A cela s'ajoute la perspective historique du texte, son caractère
de Mémoires proprement dits. Lorsque Chateaubriand lisait, en 1834, toujours
dans le salon de Mme Récamier, des extraits de la première (enfance et
jeunesse) et de la quatrième (1830-1833) partie des Mémoires, il pouvait
présenter à un public restreint ces deux facettes de son oeuvre, en même temps
que les deux extrémités de l'édifice; il lui restait à accomplir la
construction des deux parties intermédiaires (1800-1814 et 1814-1830),
couvrant les époques où lui-même avait plongé dans l'Histoire collective. En
1832, il parlait de ses Mémoires à Augustin Thierry: «Je les agrandis, je les
complète, j'y mettrai beaucoup d'histoire générale.» Il pensait à la partie
historique sur Napoléon (pour laquelle il puisait dans Ségur: Histoire de
Napoléon et de la Grande Armée en 1812) et à celle consacrée à la Restauration
(pour laquelle il disposait personnellement de toute une série de documents).
Chateaubriand se faisait donc historien en même temps qu'autobiographe.
Les Mémoires couvrent les trois ou quatre grandes époques de la vie de
Chateaubriand coïncidant avec les époques importantes de l'histoire politique
de la France: 1769-1800 (la carrière du «voyageur»), 1800-1814 (celle du
«littérateur»), 1814-1830 (celle de «l'homme d'État»), et l'après-juillet
1830.
La première partie se termine bien par une longue série de voyages, mais c'est
également l'époque de l'enfance passée au château de Combourg, où il s'arrête
plus particulièrement au portrait de sa soeur Lucile et à celui, presque
lugubre, du père, vieux marin et négociant, renfrogné et sévère. Par la suite,
l'auteur raconte longuement son voyage en Amérique (1791-1792), l'émigration
en Angleterre (1793-1800), où il rencontre la jeune Charlotte Ives et écrit ou
prépare ses premières oeuvres (l'Essai sur les révolutions, les Natchez). Deux
ou trois fois, Chateaubriand passe par Paris (livres V, IX) et en profite pour
décrire la vie parisienne sous la Révolution et les protagonistes de celle-ci.
Il intègre, dans son texte, d'autres genres littéraires apparentés à
l'autobiographie: le récit de voyage en citant son Voyage en Amérique, et
l'essai en insérant des «Incidences», c'est-à-dire des digressions
descriptives, par exemple sur la littérature anglaise (XII).
La deuxième partie est consacrée aux premiers succès littéraires de
Chateaubriand (Atala, le Génie du christianisme, XIII), puis à ses premiers
pas dans le monde politique: un poste de secrétaire d'ambassade à Rome duquel
il démissionne dès 1804 après l'arrestation et l'exécution du duc d'Enghien
dont il raconte le procès (XVI). Autres morts: celle de son amie Pauline de
Beaumont survenue à Rome en 1803 (XV), celle de sa soeur Lucile (livre XVII).
En outre, plusieurs chapitres résument son voyage en Orient de 1806-1807.
La troisième partie comprend deux sections: d'abord l'histoire de Bonaparte
(et de Napoléon) depuis sa naissance jusqu'à sa mort à Sainte-Hélène, avec,
pour les années 1814 et 1815, le rôle politique de Chateaubriand, placé entre
Louis XVIII, Fouché et Talleyrand, ainsi que ses jugements sur la politique de
l'une et de l'autre partie, monarchique et impériale (XIX-XXIV, véritable
leçon d'Histoire). La suite de la troisième partie contient l'histoire de la
carrière politique proprement dite de Chateaubriand: son engagement «ultra»
(le pamphlet de la Monarchie selon la Charte, 1816), son action
antiministérielle avec son périodique le Conservateur, et son poste
d'ambassadeur à Berlin en 1821 (XXV-XXVI). En 1822, il est nommé ambassadeur à
Londres, où il participe à la préparation du congrès de Vérone... et revoit
Charlotte Ives (XXVII) avant de regagner Paris où l'attend le poste de
ministre des Affaires étrangères avec «sa» guerre d'Espagne en 1824. Son bref
séjour comme ambassadeur à Rome est évoqué dans les deux livres suivants
(XXIX-XXX), alors que l'année 1830 occupe trois livres contenant l'histoire de
la crise politique de 1829 et celle, racontée dans les détails, de la
révolution de Juillet et de ses suites, avec le grand discours d'adieu de
Chateaubriand au Sénat, le 7 août 1830 (XXXI-XXXIV).
Suivent, dans la quatrième partie, le récit des voyages en Suisse (XXXV), son
ralliement à la cause de la duchesse de Berry, et ses deux voyages à Prague
(où il revoit Charles X exilé) au service de l'extravagante duchesse
(XXXVI-XLI), l'ensemble culminant avec une saisissante description de Venise
au livre XXXIX. Un dernier livre (XLII) clôt l'édifice, avec des portraits
d'hommes politiques (Thiers, La Fayette, Talleyrand), quelques pages pour un
portrait de George Sand, et, finalement, la Conclusion, préparée depuis 1833,
dans laquelle Chateaubriand livre sur un ton désabusé son ultime diagnostic
sur la France et l'«avenir du monde» qu'il juge promis au règne de la
démocratie.
«Chaque homme renferme en soi un monde à part, étranger aux lois et aux
destinées générales des siècles» (XVI, 6); néanmoins, ajoute Chateaubriand,
«nous travaillons tous un à un à la chaîne de l'histoire commune». Les
Mémoires semblent bien être fondés sur une dialectique de l'homme seul et de
l'Histoire. Cette dialectique forme peut-être le substrat intime de l'oeuvre,
dans la mesure où Chateaubriand ne cesse d'insister sur sa propre dualité
d'homme «du siècle» et d'homme «songeur». La narration, elle, est structurée
et relancée à tout moment par une autre dialectique: celle de la mémoire et du
temps. En effet, si l'on considère d'abord ce dernier rapport, on s'aperçoit
que le mémorialiste se penche sur le passé tel qu'il l'a vécu, c'est-à-dire
sur son propre temps «perdu», dans l'intention de le ressaisir tout en
reconnaissant sa perte, et pour le teinter des couleurs de tout ce qui est
arrivé depuis; ce procédé ressort clairement d'une série de «prologues» aux
divers livres, ainsi que de plusieurs passages glissés dans le récit, qui
rapprochent le présent de la narration du passé narré, alors même que la
datation des livres rappelle la distance temporelle séparant le narrateur de
l'objet de son discours. L'autobiographe ne prétend pas construire une durée
ou une permanence; au contraire, il constate une discontinuité et une perte:
«Moi qui me débats contre le temps, moi qui cherche à lui faire rendre compte
de ce qu'il a vu [...], que suis-je entre les mains de ce Temps, de ce grand
dévorateur des siècles?» (XXII, 16). Le moi continuellement recherché dans les
Mémoires ne se laisse pas figer dans le temps ni définir dans l'espace:
Chateaubriand voudrait se fixer à Rome où l'histoire entière de la
civilisation lui semble être présente comme en un palimpseste... Il ne le
pourra jamais, car le «Juif errant» qu'il est selon lui-même ne fait que
plonger sans cesse dans le vide creusé par le temps. Il ne peut donc échapper
à la hantise de tout mémorialiste: celle du vide et de la perte, donc de la
mort.
Ce thème de la mort est, en effet, dominant d'un bout à l'autre des Mémoires
d'outre-tombe, tant au niveau de l'existence privée qu'à celui de l'Histoire.
Chateaubriand recense tous ceux qu'il a vu mourir devant lui, ou à l'horizon
éloigné de la Révolution: sa famille décimée par les événements, Pauline morte
dans ses bras, Lucile morte subitement _ peut-être un suicide; le duc
d'Enghien fusillé comme Armand de Chateaubriand, royaliste appréhendé par les
sbires de Napoléon, tous les Grands de ce monde présents naguère au congrès de
Vérone (XXXIX, 3). Chateaubriand fait consciemment et consciencieusement de
ses Mémoires un «obituaire», un mausolée rempli de fantômes, fussent-ils
encore vivants tel le roi Charles X exilé à Prague. En ouverture, Paris sous
la Révolution (V), où Chateaubriand, témoin oculaire, regarde les têtes de MM.
Foulon et Berthier portées sur des piques par les premiers révolutionnaires;
et même dans son propre pays, la Bretagne, il voit «couler les premières
gouttes de sang que la Révolution devait répandre». C'est par la mort de
l'ordre ancien, du «vieux rivage où [il est] né» (Conclusion) que tout
commence. Au finale, Venise domine l'image du monde, ville tombant en ruine,
avec ses gondoles qui ressemblent à la barque de Charon. Les Mémoires
eux-mêmes, dit-il, se construisent à partir «des ossements et des ruines»,
c'est-à-dire à l'aide de fragments de souvenirs.
Cependant, l'autre rapport dialectique fondamental, celui qui relie l'homme à
l'Histoire, donne à l'ensemble des Mémoires une cohérence supplémentaire et
permet à l'auteur de se mettre en avant comme celui qui, ayant «fait de
l'Histoire», dès lors «la pouvai[t] écrire» (Conclusion). L'écrivain devient,
ainsi, en quelque sorte, la conscience du temps: ainsi, il acquiert le droit
de rapprocher des strates temporelles différentes, de comparer l'un et l'autre
«rivage» de sa vie; lui seul peut aussi rapprocher des personnages éloignés
les uns des autres pour mieux voir leurs différences (Washington et Napoléon,
par exemple, représentant chacun son siècle, XIV). C'est également ce «je»,
conscience de l'Histoire, qui juge le rôle des différents révolutionnaires (V,
IX). C'est encore ce «je» qui note les coïncidences significatives, comme par
exemple celle de sa propre présence à Venise après Rousseau et Byron (XXXIX).
Enfin, les descriptions lui permettent de se tailler une place dans l'espace,
par son regard parcourant le monde qui l'entoure, l'ordonnant, si possible, et
le soumettant à toutes sortes de jeux métaphoriques, la mer devenant son
berceau, et l'oiseau l'image de ce voyageur qu'il ne cesse d'être. «J'ai
traversé une belle contrée, remplie de votre souvenir; il me consolait, sans
pour autant m'ôter la tristesse de tous les autres souvenirs que je
rencontrais à chaque pas [ceux de Pauline de Beaumont]. [...] Enfin, je suis
entré dans Rome. Ses monuments, après ceux d'Athènes, comme je le craignais,
m'ont paru moins parfaits. Ma mémoire des lieux, étonnante et cruelle à la
fois, ne m'avait pas laissé oublier une seule pierre» (XXXIX, 3): le voyageur
ranime le souvenir de Mme Récamier, le rapproche de celui de Mme de Beaumont;
en même temps, sa mémoire historique le porte de Rome à Athènes: tout a
changé, à ce qu'il lui semble, mais tout est toujours là, objet de la même
conscience chez le même narrateur.
Cette superposition lui permet de dépasser les contradictions vécues dans sa
vie personnelle aussi bien que publique. Chateaubriand peut ainsi situer son
vrai moi en dehors de l'Histoire et du temps, se porter déjà, en écrivant,
«outre-tombe». Il a, certes, pour cela, des raisons qui ne tiennent pas
seulement aux soucis de l'autobiographe et du mémorialiste désireux de
parfaire un volumineux monument de souvenirs. Chateaubriand, en effet, est en
plein désaccord avec son siècle, et non seulement avec Napoléon, toujours
méfiant à son égard, ou Louis XVIII, ou Charles X qui lui faisaient grief de
sa double attitude d'ultra et de libéral (Chateaubriand est le grand défenseur
de la liberté de la presse). Il a soin de se justifier, d'expliquer tous ses
démêlés avec les Grands; il en est ainsi de sa démission provoquée par
l'exécution du duc d'Enghien (XVI), de sa brochure la Monarchie selon la
Charte (XXV), de son rôle politique à l'aube des Trois Glorieuses (XXXI), de
sa démission de la pairie après l'élection de Louis-Philippe (XXXIII), et
enfin, de son désaveu à l'égard des Bourbons exilés (la lettre à Madame la
Dauphine «qui devait [lui] casser le cou», XXXIX). Autant de preuves d'une
attitude critique qui rompt souvent avec le conformisme des puissants, mais
aussi de signes de sa position à l'écart de tout. Ce désaccord fondamental
assigne à Chateaubriand, pour toute scène d'action, l'écriture. Mais cette
position permet précisément au mémorialiste de s'élever au-dessus des autres,
et de s'écrier, au moment où, symboliquement, il «monte» vers le Hradschin à
Prague: «Les enchaînements de l'Histoire, le sort des hommes, la destruction
des empires, les desseins de la Providence se présentaient à ma mémoire en
s'identifiant aux souvenirs de ma propre destinée [...]» (XXXVII, 1).
Inscription de Chateaubriand dans l'Histoire à part, exclu, seul, pour tout
dire: romantique.
Le projet romantique d'écrire sa propre vie, de se mettre à la recherche de
son moi mystérieux et de se faire le témoin de son temps, double projet
dangereux, ne peut réussir que dans la mesure où l'auteur se pense un être
double. C'est le cas de Chateaubriand qui s'est senti à la fois «en dedans et
à côté de [son] siècle» («Préface testamentaire», datant de 1833). Que le
monde et l'homme ne puissent s'identifier l'un à l'autre qu'en dehors de
l'Histoire, dans une synthèse «écrite», comme le sont les Mémoires
d'outre-tombe, c'est bien la manifestation du caractère romantique du texte,
rédigé à une époque de décomposition qui relègue les penseurs à la solitude:
«Ma vie solitaire et silencieuse marchait au travers du tumulte et du bruit
avec les filles de mon imagination» (Conclusion), finit-il par écrire pour
résumer, tant bien que mal, toute une existence et pour en justifier le compte
rendu dans l'oeuvre qui ne cesse d'en rechercher l'unité.
René, Chateaubriand 1802 :
Célèbre récit de françois-René de Chateaubriand (1768-1848), publié d'abord en
1802 dans "Le génie du Christianisme" (IIe partie, 3e livre), où il était
destiné à illustrer l'affirmation de l'auteur que "le christianisme a changé
les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu"; en
opposant perpétuellement les chagrins de la terre et les joies célestes, il a
créé en nous une certaine tristesse inspirée par les maux présents, une vive
espérance d'un bonheur, lointain encore, d'où découlent d'inépuisables
rêveries. Plus particulièrement l'épisode de "René" devait appuyer la théorie
de Chateaubriand sur "le vague des passions" dans l'âme de ses contemporains.
Selon lui, la suppression des ordres religieux par la révolution priva les
âmes inquiètes de leur dernière consolation, de leur refuge, la solitude du
couvent; c'est alors que naquit cette "coupable mélancolie qui s'engendre au
milieu des passions lorsque les passions, sans objet, se consument
d'elles-mêmes dans un coeur solitaire". En 1805, "René" parut en volume où il
était précédé d' "Atala"; dans l'édition des "Oeuvres complètes", même
disposition. C'est qu'en effet "René" et "Atala" sont étroitement liés dans
l'oeuvre de Chateaubriand, où ils sont tous deux des épisodes détachés de
cette oeuvre immense que sont "Les Natchez". Le lecteur a appris, dans
"Atala", que René se trouve en Amérique et qu'il s'est marié dans la tribu des
Natchez. Mélancolique, il vit loin des hommes, dans les bois. Enfin, il confie
le secret de sa tristesse à deux amis, le vieux chef aveugle Chactas, et le
Père Souël, missionnaire au fort Rosalie: c'est une âme "trouble et agitée",
mais il prétend être plaint et non condamné. Pour décrire la maladie morale
dont il souffre, il commence son récit à son enfance. C'est, évidemment un peu
arrangée l'enfance de Chateaubriand à Combourg, entre un père trop austère et
une soeur qu'il aime tendrement, Amélie (qui rappelle à beaucoup d'égards
Lucile de Chateaubriand). C'est déjà un être grave, mélancolique, hanté par le
spectacle de la mort. Désireux de rompre avec l'envoûtement qui le retenait
dans son pays, il tente de s'intéresser aux grands spectacles de la nature. Il
gravit l'Etna, mais c'est pour éprouver plus fortement le néant de la vie. A
son retour, René retrouve cette sombre mélancolie. C'est alors qu'il lance
l'imprécation fameuse: "Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter
René dans les esapces d'une autre vie!" Il ne reste plus à René, séparé de sa
dernière consolation, sa soeur Amélie, qu'à se suicider. La jeune femme, à
laquelle il écrit, devine son projet et le rejoint. Après lui avoir fait
promettre de renoncer à se donner la mort, Amélie le quitte brusquement, en
lui laissant une lettre où elle lui annonce qu'elle va entrer au couvent. René
accourt auprès d'Amélie pour la dissuader de prononcer ses voeux. Mais il est
trop tard, et elle lui demande de l'accompagner à l'autel, à la place de son
père défunt. Il assiste, la mort dans l'âme, à la cérémonie et prend la
résolution de passer en Amérique. Tandis qu'Amélie meurt en soignant une de
ses compagnes atteinte d'une maladie contagieuse, René aborde sur le nouveau
continent. La morale du récit est donnée par le Père Souël et par Chactas. La
maladie de René, c'est l' orgeuil; l'un avec sévérité, l'autre avec
indulgence, arrivent au même diagnostic, et Chactas ajoute: "Il faut que tu
renonces à cette vie extraordinaire qui n'est pleine que de soucis; il n'y a
de bonheur que dans les voies communes". Et le récit s'achève sur le retour au
grand silence de la nature, rendu plus perceptible encore par "la voix du
Flammant qui, retiré dans les roseaux du Meschacebé, annonçait un orage pour
le milieu du jour".
Chateaubriand, en partie sans doute pour se disculper, a indiqué lui-même,
dans la "Défense du Génie du Christianisme", ses précurseurs: "C'est
Jean-Jacques Rousseau qui introduisit, le premier parmi nous ces rêveries si
désastreuses et si coupables. En s'isolant des hommes, en s'abandonnant à ses
songes, il a fait croire à une foule de jeunes gens qu'il est beau de se jeter
ainsi dans le vague de la vie. Le roman de Weerther (voir "Les souffrances du
jeune Werther") a développé depuis ce genre de poison. L'auteur du "Génie du
Christianisme" a voulu dénoncer cette espèce de vice nouveau, et peindre les
funestes conséquences de l'amour outré de la solitude". On ne peut douter de
la sincérité de Chateaubriand; il est fort possible qu'il ait cru guérir le
mal en le dépeignant; il est possible qu'il ait cru condamner sincèrement ses
propres erreurs de jeunesse. Sans doute, il n'a pas inventé le "mal du
siècle", mais il lui a donné une nouvelle forme, la forme qui convenait à son
temps. De plus, "René" n'est pas seulement un récit des conséquences
désastreuses de l'amour de la solitude, c'est aussi le récit d'une passion
plus ou moins reconnue comme telle, de l'amitié amoureuse d'un frère pour une
soeur. Et par là, Chateaubriand introduit une note quelque peu ambigüe qu'on
ne trouverait pas dans Goethe, par exemple. Dès la parution de "René" dans "Le
Génie du Christianisme", ce fut le succès, l'enthousiasme surtout, auprès de
la jeune génération. On le préféra à "Atala", non seulement à cause de ce
qu'il faut bien appeler son actualité, mais parce que le style de "René" ne
déconcertait pas par les mêmes hardiesses que celui d'"Atala". En fait, ce
n'est pas un remède à la mélancolie qu'apporta Chateaubriand; au lieu d'en
guérir son temps, il la mit à la mode. L'influence de "René" fut immense, non
seulement sur des ouvrages immédiatement contemporains, comme l' "Obermann" de
Senancour (publié en 1804, mais commencé un an avant la publication de
"René"), l' "Adolphe" de Benjamin Constant, l' "Edouard" de Madame de Duras,
mais principalement sur les grands écrivains romantiques: Musset tel qu'on le
retrouve dans les "Nuits" et dans la "Confession d'un enfant du siècle"
directement inspirée de "René"; Vigny, dans certaines pièces des "Destinées",
ainsi que dans le personnage de Satan d'"Eloa" (voir "Poèmes antiques et
modernes"); un grand nombre de personnages de Hugo sont des descendants de
René; il n'est pas jusqu'à Alexandre Dumas père qui n'ait donné son "René", en
composant "Antony". Sans vouloir multiplier les exemples qui sont innombrables
de l'influence exercée d'une manière durable par Chateaubriand, il faut enfin
mentionner "Le rouge et le noir" et surtout "Armance" de Stendhal. La part de
Chateaubriand, dans la formation de cette mélancolie romantique qui devait
envahir pour plusieurs décades la littérature, est considérable; on peut la
comparer à celle de Goethe et de Byron, qu'elle dépasse même, du moins en
France. "René" n'est pas une oeuvre composée comme "Atala" de divisions
symétriques, c'est un récit continu. Mais par son style constamment lyrique et
la composition en strophes, par l'harmonie solennelle et plaintive du récit de
René qui en occupe la presque totalité, c'est un poème, une ode au désespoir.
Voyage en Amérique, Chateaubriand_1827 :
Récit de François-René, vicomte de Chateaubriand (1768-1848), publié à Paris
chez Ladvocat en 1827.
Du mois de juillet au mois de décembre 1791, Chateaubriand séjourne en
Amérique du Nord. On suppose qu'il rapporta de ce long voyage des notes d'où
sortiront, pendant l'exil de l'auteur en Angleterre (1793-1800), un grand
«manuscrit américain» qui donnera naissance à Atala, à René, aux Natchez, et à
cet incongru Voyage en Amérique, composé d'un récit proprement dit et d'une
longue partie descriptive, où Chateaubriand puise à de nombreuses sources (le
Précis de géographie universelle de Malte-Brun; la Découverte des sources du
Mississippi de Beltrami, etc.). On peut comparer ce texte à celui des Mémoires
d'outre-tombe (livres VI, VII et VIII), où on en retrouve de longs passages,
dans une version remaniée et souvent abrégée.
Une importante Préface brosse toute une histoire des voyages depuis
l'Antiquité jusqu'à l'époque moderne. Dans le récit qui s'ensuit,
Chateaubriand raconte sa traversée de l'Atlantique, ses premières stations sur
la côte est du nouveau continent, puis son voyage à travers le pays indien
jusqu'aux chutes du Niagara, et enfin décrit les régions situées entre le lac
Érié et le fleuve Mississippi, ainsi que celles des Florides où manifestement
il n'est pas allé. Dans la partie descriptive, qui forme la seconde moitié de
l'ouvrage, l'auteur s'arrête en particulier sur l'histoire naturelle de
l'Amérique, et donne une étude ethnographique détaillée des Indiens.
Parti de France dans l'intention de découvrir le passage du nord-ouest de
l'Amérique, Chateaubriand a dû très vite se rendre compte de l'impossibilité
de réaliser ce projet ambitieux. Cependant, son voyage avait aussi d'autres
buts. Tout d'abord, celui de vivre la «liberté primitive» en contrepoint d'un
monde révolutionnaire qu'il laisse derrière lui en proclamant: «Égorgez-vous
pour un mot, pour un maître; doutez de l'existence de Dieu, ou adorez-le sous
des formes superstitieuses, moi j'irai errant dans mes solitudes.» Liberté et
solitude s'enchaînent, faisant du Voyage un texte romantique où l'exploration
du moi témoigne à la fois d'une quête du bonheur, de la conquête d'un ailleurs
et de la situation de paria qui est celle de l'émigré, fût-il volontaire.
Mais Chateaubriand est aussi un homme du XVIIIe siècle, et l'autre but du
voyage est bien la nouvelle «terre de liberté» qui correspond à son goût
d'indépendance. La jeune république américaine n'est peut-être pas la société
idéale, si l'on s'en tient au rôle qu'y jouent l'intérêt individuel et
l'argent; mais la liberté sur laquelle elle est fondée peut remplacer celle
que les Indiens sont en train de perdre. Il reste que Chateaubriand dégage de
ses expériences de voyageur une image assez idéalisée, parfois romanesque, de
la société indienne et de la nature américaine, où il cherche surtout une vie
conforme à la «condition naturelle» de l'homme. Comme il enregistre et décrit
ce que les autres ont vu, et qu'il n'a pas toujours vu lui-même, ce Voyage
synthétise expérience personnelle et culture livresque, mêlant
inextricablement le réel et le mythe.
Enfant de Saint-Malo, romanesque et sauvage
RépondreSupprimerDu haut des vieux remparts il contemplait la mer.
Parfois , quand sur la grève il rêvait d'un voyage
Son cœur sentimental en était moins amer.
C'est à Combourg surtout qu'il s'éveille à la vie
Incompris, mal aimé, il crée son univers,
Il brise le carcan de sa mélancolie
En cherchant la Sylphide à l'entour des bois verts
Dans ces bois de Combourg il écrit des poèmes,
Il s'invente des fées aux longs doigts de soleil,
Sur leur tête il dépose un léger diadème
De fleurs et de rosée ,ô charmes sans pareils!
Plus tard il écrivit "mémoires d'outre-tombe"
Comparé à Rimbaud ce génie un peu fou
Que Verlaine appelait son ange ou sa colombe
Chateaubriand fuyait son passé de voyou.
Dans le vieux Saint-Malo vit son âme éternelle
Son tombeau dominant spendidement la mer
Attire chaque année comme une offre charnelle
Une foule venue des pays d'Outre-Mer.
SUPER !!!
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